Avancées du mouvement anti-tauromachie mondial (11e Sommet du RIA)

Allocution présentée par Estefania Pampin Zuidmeer en ouverture du 11e Sommet du RIA, Madrid (4-5 novembre 2017).

« Le temps viendra où les hommes considèreront les meurtres d’animaux comme ils voient aujourd’hui les meurtres d’humains ».

Malheureusement, cette réflexion de Léonard de Vinci n’est toujours pas d’actualité six cents ans plus tard dans notre société, même s’il y a une évolution notable, en particulier en ce qui concerne la corrida.

De plus en plus de gens pensent qu’il est inacceptable de faire subir un tel supplice à un taureau. Année après année, les gens qui se positionnent contre la corrida sont de plus en plus nombreux et ceux qui continuent à la soutenir, de moins en moins. De façon globale, nous avons un soutien croissant de la société en général.

En 2017, encore moins de corridas ont été organisées. En revanche, certains de nos succès ont été annulés. Les corridas ont tendance à diminuer dans les huit pays taurins. Mais cela ne signifie pas que tous les divertissements avec des taureaux diminuent partout.

Colombie

L’un des progrès les plus importants au niveau international a été la reconnaissance par la Cour constitutionnelle de la Colombie que la corrida est une maltraitance animale et ne doit pas constituer une exception dans les lois de protection des animaux. À la suite de cette décision, la Cour constitutionnelle a demandé au gouvernement de la Colombie de modifier les règles en vigueur et de réglementer les corridas.

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Le collectif Colombia Sin Toreo a fait et continue à faire un énorme travail pour accélérer vers l’abolition. 78% des Colombiens sont contre la corrida.

Espagne

Une autre avancée importante de l’année qui vient de s’écouler a été la fin des corridas traditionnelles dans les îles Baléares. En octobre 2016, la Cour constitutionnelle espagnole a décidé d’annuler l’interdiction de la corrida en Catalogne, faisant valoir que les communautés autonomes ne disposent pas de la compétence d’interdire la tauromachie, qui est protégée comme faisant partie du patrimoine culturel. Cela a eu des conséquences sur le travail effectué dans les îles Baléares.

A partir de ce moment-là, le mouvement anticorrida a changé de stratégie, puisqu’une interdiction pure et simple n’était pas possible. L’idée a été de développer une initiative législative visant à enlever tous les éléments cruels d’une corrida, qui sont justement ceux que les aficionados exigent pour leur plaisir. Sans ces éléments, l’intérêt des corridas disparaît. C’est en ce sens qu’a été conçue la nouvelle loi. L’été dernier, le gouvernement des îles Baléares a approuvé l’initiative législative dans laquelle la mort du taureau est interdite ; il n’est pas permis de blesser le taureau ou d’utiliser un instrument tranchant ; il est interdit d’utiliser des chevaux, de boire de l’alcool, d’être âgé de moins de 18 ans pour assister aux corridas ; un contrôle antidopage est devenu obligatoire pour les animaux utilisés et pour les toreros avant et après le spectacle.

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Les restrictions que la Cour constitutionnelle impose aux communautés autonomes rendent nécessaire d’élaborer des stratégies alternatives pour obtenir la fin de la tauromachie traditionnelle. Il peut parfois s’agir de petits pas, comme avec le changement de législation sur le toro de la Vega.

À propos de la Catalogne, qui a interdit la corrida en 2010 à compter du 1er janvier 2012, malgré la décision de la Cour constitutionnelle en 2016, aucune corrida n’a été organisée depuis. La tentative du gouvernement central d’Espagne d’imposer une pratique que ni la majorité des Espagnols, ni les parlementaires catalans ne soutiennent a échoué. Les corridas n’ont jamais repris en Catalogne.

Les fêtes de Pampelune et les encierros de San Fermin donnent chaque année une image plus négative. Non seulement en raison de la quantité de violences sexuelles envers les femmes, mais aussi parce que les groupes animalistes dénoncent la maltraitance des animaux au cours de ces festivités chaque année. Le vice-président du développement économique, Manu Ayerdi, du gouvernement de Navarre, a déclaré en septembre que le plus grand impact négatif sur l’image des San Fermin est dû à des années de maltraitances des taureaux telles que dénoncées par les groupes animalistes.

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Entre 2007 et 2016, les spectacles tauromachiques en Espagne ont subi une baisse de 56,24% et 90% des Espagnols n’ont jamais assisté à une corrida. En revanche, le nombre total de « festivités » comme les correbous, les taureaux embolados, etc. a augmenté, selon les dernières statistiques des Affaires taurines du ministère de la Culture.

Mexique

Au Mexique, la pratique des « embalses » (taureaux jetés dans la mer et harcelés par des gens sur des barques), l’une des plus cruelles pratiquées dans ce pays, a été interdite en octobre 2016 grâce au travail inlassable des militants anticorrida de l’État de Veracruz. Cependant, malgré l’interdiction, l’embalse de Tlacotalpan a eu lieu en février dernier, en toute illégalité. La police a arrêté plusieurs personnes, y compris parmi les éleveurs.

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De même, à Xico, une municipalité de Veracruz, les xiqueñadas ont été célébrées malgré l’interdiction de la loi. Il s’agit d’une pratique où les taureaux sont lâchés au milieu du public, qui les harcèle avec des couteaux, haches, etc. Le gouverneur s’était engagé à ce que cela se fasse désormais sans blesser les animaux.

En août, nous avons appris que les combats de coqs et les vaquilladas étaient de retour à Veracruz depuis le vote du Congrès en faveur de l’exclusion de l’application de la loi aux capeas pour les taureaux, les novillos et les génisses. À la suite de cela, les militants anticorrida mexicains et le RIA ont mené une offensive afin de faire pression sur le gouverneur Miguel Angel Yunes Linares, qui a opposé son veto aux amendements à la loi autorisant les combats avec des coqs et des génisses. Malgré cette victoire, il reste encore beaucoup de travail à faire pour que la loi continue à être respectée à Veracruz.

70% des Mexicains sont contre la corrida.

Équateur

Une Initiative populaire anti-corrida a été déployée ces dernières années. L’objectif de cette initiative est d’obtenir l’interdiction de la tauromachie à Quito. L’initiative a été validée et le premier débat a eu lieu à l’Assemblée. Mais au cours du processus, le groupe des anticorrida a été confronté à un blocage des institutions. Le maire de Quito, Mauricio Rodas, a la responsabilité de demander le deuxième et dernier débat, ce qu’il n’a pas fait. En d’autres termes, le maire n’a pas respecté les délais pour convoquer la consultation anti-corrida comme requis par la loi et il y a également eu plusieurs violations. Tout cela a causé un retard dans le processus.

En conséquence, les promoteurs de l’initiative anticorrida ont interjeté appel devant les tribunaux, et Rodas a été convoqué devant la Cour constitutionnelle sur cette question mais n’a pas comparu. Il semble que la Cour constitutionnelle ne fera pas grand chose à ce sujet. Pour le moment, toutes les voies légales pour l’Initiative antitauromachie sont dans une impasse.

France

Un espoir est apparu en France à la suite des élections législatives et présidentielle. Nicolas Hulot est entré au gouvernement et François de Rugy à la présidence de l’Assemblée et tous deux sont contre la tauromachie. Cela offre une occasion très sérieuse de présenter un projet de loi qui interdit la tauromachie dans un avenir raisonnable, avec une majorité pour le soutenir à l’Assemblée.

Par ailleurs, plusieurs organisateurs de corridas importants – Simon Casas à Nîmes, la famille Jalabert à Arles et Rober Margé à Béziers – ont été rattrapés par le fisc après des années de fraude à la TVA, ce qui a conduit Jalabert à liquider son entreprise (mais son fils en a ouvert une autre), Margé à se retrouver en grande difficulté et Casas à devoir faire face à une dette de 2 millions d’euros pour laquelle il a dû contracter un gros emprunt.

Citons aussi une vidéo qui a eu beaucoup de succès dans le monde entier, sur les réseaux sociaux mais aussi à la télévision, dans les journaux télévisés et autres, celle réalisée par BETC pour la FLAC et qui a totalisé des millions de vues au bout d’à peine 48 heures de diffusion.

Les trois-quarts des Français sont contre la corrida.

Pérou

Au Pérou, 68% de la population souhaite que la tauromachie soit interdite.

Portugal

Selon les médias du Portugal, la fréquentation des publics taurins a diminué de 50% au cours des sept dernières années.

Venezuela

Le recul des corridas se poursuit à grande vitesse dans ce pays. Il ne reste plus qu’un seul État sur vingt-trois à en pratiquer et une ville, Maracaibo.

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Violence de la tauromachie et violence sur les humains

Lorsque le Réseau International Antitauromachie (RIA) a été fondé il  y a 11 ans, notre argument le plus important était la maltraitance des animaux. Au cours de ces années, nous avons beaucoup grandi en tant que mouvement et nous avons été en mesure de construire d’autres arguments contre la corrida. Nous ne parlons plus seulement de la maltraitance des animaux, mais aussi des dommages que la tauromachie cause aux jeunes générations, qui devraient être protégées contre cela.

Nous avons déjà la demande des Nations Unies à plusieurs pays taurins pour protéger les enfants de la violence de la corrida. Nous parlons aussi de droits de l’homme, tout comme l’ombudsman vénézuélien Tarek William Saab qui a dit que la corrida viole les droits de l’homme. Et la violence de la tauromachie a également été utilisée comme argument par les débats politiques et sociaux collectifs sur la paix dans des pays comme le Mexique et la Colombie, avec le message que la violence ne conduit qu’à plus de violence et que nous devons y mettre fin pour parvenir à créer une société en paix.

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Ce sont des réalisations très importantes, car nous changeons ainsi la société de l’intérieur. Et si nous continuons comme nous le faisons maintenant, nul doute que nous en atteindrons la fin.

Estefania Pampin  Zuidmeer
Membre du Comité de Coordination du RIA
CAS International

Estafania Pampin  Zuidmeer est membre du Comité d’honneur de No Corrida.