Le Collectif des vétérinaires pour l’abolition de la corrida adresse une lettre ouverte au Président de la République.
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Paris, le 3 juin 2017
Monsieur le Président,
Le Collectif des vétérinaires pour l’abolition de la corrida (COVAC), qui regroupe à ce jour 2 250 vétérinaires français, s’inquiète de certains signaux que vous avez donnés.
D’abord en déclarant le 17 avril dans le quotidien régional La Provence : « La corrida fait partie intégrante de la culture et de l’économie, y compris du tourisme, de la région. Je suis à ce titre opposé à l’interdiction dans les territoires de tradition taurine ».
Ensuite en sollicitant, pour représenter LREM dans la 2ème circonscription du Gard, Mme Marie-Sara Lambert, qui s’est fait connaître comme rejoneadora, et qui est actuellement délégataire des arènes de Mont-de-Marsan (40) et des Saintes-Maries-de-la-Mer (13). D’autant que celle-ci a répété avoir été investie pour défendre les traditions, et vous déclare aficionado.
La question de la corrida nous préoccupe en tant que vétérinaires, non seulement parce que son principe est d’infliger longuement des blessures à un animal, mais surtout parce ces blessures sont infligées pour le plaisir des spectateurs, jadis assumé comme plaisir pulsionnel, de nos jours habillé en plaisir esthétique voire spirituel, sous une semblance culturelle voire anthropologique. Dès lors, ce spectacle revêt une importance symbolique considérable, car il légitime en lui-même toutes les maltraitances pouvant être imposées aux animaux par les hommes.
Le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires a clairement énoncé, dans une lettre d’août 2016, un avis doctrinal d’ensemble ; d’une part en affirmant : « Les spectacles taurins sanglants, entraînant, par des plaies profondes sciemment provoquées, des souffrances animales foncièrement évitables et conduisant à la mise à mort d’animaux tenus dans un espace clos et sans possibilité de fuite, dans le seul but d’un divertissement, ne sont aucunement compatibles avec le respect du bien-être animal. » ; d’autre part en ajoutant que cette question des spectacles sanglants ressortissait à l’éthique de notre profession.
Vos références, dans l’article de La Provence susmentionné, à la culture, l’économie, et le tourisme, sont en elles-mêmes des références parfaitement légitimes. Mais le problème est qu’elles ne s’appliquent nullement aux spectacles tauromachiques sanglants.
Les corridas se sont insérées dans le sud de la France notamment à partir des deux dernières décennies du XIXe siècle, dans le contexte d’un mouvement régionaliste de contestation du jacobinisme républicain. Et elles ont été légalisées à partir de 1951. Mais elles sont loin de faire partie intégrante de la culture des régions du sud, puisque les enquêtes d’opinion montrent à répétition depuis des années qu’une majorité de Français (des deux-tiers aux trois-quarts) des territoires soi-disant « de tradition taurine » manifestent envers ces pratiques non seulement un désintérêt, mais une désapprobation croissante.
Les corridas ne sont certainement pas favorables à l’économie, ni au tourisme, contrairement à ce que prétendent les associations tauromachiques. Elles reçoivent maintes subventions directes et indirectes, génèrent volontiers des déficits, et sont plutôt un facteur rebutant pour une majorité de touristes potentiels, qu’ils soient français ou étrangers. Ce sont les traditions festives (les « férias ») dans le cadre desquelles elles ont le plus souvent lieu, qui peuvent être un facteur contribuant à dynamiser l’économie locale. Et puisque nous vous adressons cette lettre alors même que se déroule la « féria de la Pentecôte » à Nîmes, première ville taurine de France, il faut savoir que plus des neuf dixièmes des personnes fréquentant cette féria ne vont pas aux corridas.
Nous avons parfaitement conscience de l’ampleur des problèmes que doit affronter un président de la République française, et des innombrables sollicitations de tous ordres dont il est l’objet dès son début de mandat.
Mais ce sont vos prises de position explicites ou implicites, telles que mentionnées ci-dessus, qui nous astreignent à vous interpeller.
Notre question est délibérément simple afin de vous permettre une réponse rapide : pouvez-vous garantir que, durant votre mandat présidentiel, vous et votre gouvernement ne prendrez aucune mesure visant à favoriser d’une manière ou d’une autre les spectacles tauromachiques sanglants ?
En l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre considération respectueuse.
Le COVAC