La trahison éthique de Julien Bayou

Nous apprenions avec stupéfaction il y a quelques jours que EELV allait investir dans la 6e circonscription du Gard un candidat ouvertement procorrida, Nicolas Cadène. La FLAC avait aussitôt alerté un certain nombre de responsables politiques pour leur faire part de notre indignation, parmi lesquels Julien Bayou en personne. Nicolas Cadène est ainsi préféré à Sybille Jannekeyn, anticorrida convaincue, qui pourtant annonçait depuis quelques jours qu’elle tenait la corde. Elle avait d’ailleurs déjà choisi son suppléant en la personne de Nicolas Pellegrini, porte-parole de La France Insoumise à Nîmes. L’impact médiatique de cette investiture a été considérable, l’info étant reprise par Libération et d’autres médias de premier plan, ainsi que par le journaliste Hugo Clément qui est suivi par 700 000 personnes sur les réseaux sociaux. Rappelons que l’abolition de la corrida est inscrite dans la charte d’EELV.

L’antenne d’EELV/Gard, qui soutenait la candidature de Sybille Jannekeyn, a fait savoir sa déception extrême face à cette reculade éthique majeure. De toute évidence, il s’agit d’une décision prise à Paris directement par Julien Bayou qui n’a que faire de l’avis de ses représentants locaux.

Pour tenter d’éteindre l’incendie, Bayou a diffusé un mail disant en substance que Cadène avait évolué et que cela ne changerait rien à l’engagement d’EELV pour obtenir l’abolition de la corrida. Circulez, y a rien  voir. Difficile d’imaginer plus désinvolte. Et surtout, aucune réponse sur le fond : comment peut-on affirmer vouloir l’abolition de la corrida en investissant un candidat procorrida ? Car, en effet, quoi qu’en dise Bayou, Cadène n’a en rien évolué sur la corrida, il est et reste un aficionado convaincu. Julien Bayou se moque de nous en pensant nous rassurer avec une pirouette d’une telle faiblesse et, peut-être pire encore, se moque de ses propres engagements – on n’ose écrire de ses convictions puisque de toute évidence, il vient de montrer qu’il n’en a aucune en la matière.

Thierry Hély, président de la FLAC, a été contacté par téléphone par Nicolas Cadène le 12 mai dans la soirée. Durée de l’entretien: 50 minutes… Thierry Hély lui a proposé de montrer publiquement sa prétendue évolution au sujet des corridas, en particulier en ce qui concerne l’accès des corridas par des mineurs. Le manifeste de la FLAC lui avait été scanné. Aucune réponse à ce jour.

Dans la même logique, Thierry Hély a également contacté le 14 mai 2022 Julien Bayou par voie de communiqué de presse, lui demandant de revenir sur sa décision incompréhensible et injustifiable. Sans aucun résultat à l’heure où nous écrivons ces lignes.

Les mentalités ont évolué à Nîmes comme ailleurs. La corrida est rejetée par une majorité de Nîmois et une majorité encore plus large de Français au niveau national, tous les sondages qui se succèdent depuis des années le montrent. L’ONU a condamné clairement la présence de mineurs dans les corridas en raison de la violence extrême du supplice subi par les taureaux sans aucune justification autre que fallacieuse. Et non, monsieur Cadène, quoi que vous en pensiez, les taureaux « de combat » n’existent pas, les taureaux sont des herbivores et pas des « fauves » et quand bien même ils le seraient, cela n’excuserait en rien l’agonie qui leur est imposée jusqu’à leur mort en public dans l’unique but d’en faire un spectacle d’une cruauté inouïe.

Mais, à la limite, peu importe que Cadène soit procorrida. Ce qui est inacceptable c’est qu’il soit procorrida investi par un parti qui s’affiche comme anticorrida, membre de plus de la NUPES, une coalition organisée par LFI également engagée à faire abolir les corridas.

Il ne reste que deux solutions à Cadène pour sortir de ce bourbier : soit affirmer publiquement son rejet des corridas, soit retirer sa candidature. Mais le fera-t-il ou l’attrait du pouvoir sera-t-il le plus fort, quel qu’en soit le prix ? Il a montré tout au long de sa carrière un opportunisme certain.

Quoi qu’il en soit, cette investiture est absolument scandaleuse et honteuse de la part de la direction d’EELV. Elle brise la confiance que nous avions bâtie depuis des années avec ce parti pour son engagement affiché contre la corrida, un engagement sincère de la part de la plupart des élus, militants et sympathisants d’EELV en France, qui en sont tous les victimes collatérales et pour qui nous conservons bien sûr la même sympathie.

C’est en cela qu’il s’agit d’une trahison de la part de Bayou, pas seulement envers notre cause mais envers son propre parti.

Le désastre est d’autant plus total que Cadène aurait face à lui le député sortant Philippe Berta (Modem, majorité présidentielle) également procorrida. A tous les coups, c’est la survie de la corrida qui gagnera à Nîmes. Quel gâchis lamentable !

Roger Lahana