Corrida et politique en France

Un article initialement paru sur le site du Covac

Au cours de ces vingt dernières années en France, la corrida a petit à petit pris sa place non seulement dans le débat public, mais aussi dans le débat politique.

Depuis le début du siècle, la condition animale s’est au fil du temps insérée dans la vie politique française.

A partir de la XIIe législature (2002-2007), la question de la corrida a été abordée par un certain nombre de députés, avec notamment en 2004 une proposition de loi (PPL) visant son interdiction déposée par 63 signataires. Puis d’autres propositions ont été déposées lors des législatures suivantes.

En 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le ministre de l’Agriculture avait organisé les « Rencontres Animal et Société« , où plusieurs catégories d’intervenants devaient mener une réflexion sur la protection animale. Un atelier intergroupes était dédié au thème de la corrida et des jeux taurins. Cette initiative était censée prendre en compte l’évolution des points de vue, cependant les ONG firent part de leur déception au terme de ces rencontres, dont le sigle « RAS » fut repris sous le mode ironique.

Il faudra en fait attendre les élections présidentielles de 2017 pour que la question animale prenne place dans la campagne électorale. Ceci grâce au collectif Animal Politique, initié par les députées Laurence Abeille et Geneviève Gaillard. Ce collectif réunissait vingt-six organisations de protection animale et demandait aux candidats aux élections de répondre à 30 propositions. La proposition n° 14 visait à abolir les corridas et les combats de coqs.

  • 7 candidats sur 11 avaient répondu (Emmanuel Macron, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon, Nicolas Dupont-Aignan, Philippe Poutou, Jacques Cheminade). Parmi ceux-ci, Emmanuel Macron obtenait le score le plus bas.
  • 4 candidats n’avaient pas répondu (François Fillon, Jean Lassalle, François Asselineau et Nathalie Arthaud)

Cependant, la question animale n’allait pas faire partie de la campagne législative qui suivait.

En 2016 a été créé le Parti Animaliste, s’inspirant de partis existant aux Pays-Bas, en Espagne ou au Portugal. Il a créé la surprise aux élections européeennes de 2019 en arrivant 11e sur les 34 listes présentes avec 2,16 % des suffrages, malgré le silence médiatique et l’absence injustifiée de ses bulletins dans de nombreux bureaux de vote.

Les élections présidentielles de 2022

En 2022, un dispositif comparable a été mis en place sous l’impulsion de l’association Convergence Animaux Politique : 30 organisations se sont rassemblées pour demander aux candidats de répondre à 22 propositions.  La proposition n° 13 visait à abolir les corridas et les combats de coqs, accompagnée d’une sous-mesure visant à interdire la corrida et les combats de coqs aux moins de 16 ans.
Les réponses ont été les suivantes :

  • Jean-Luc Mélenchon (UP), Yannick Jadot (EELV), Anne Hidalgo (PS), Philippe Poutou (NPA) et Nathalie Arthaud (LO) se sont prononcés en faveur de l’abolition de la corrida.
  • Marine Le Pen (RN) et Nicolas Dupont-Aignan (DLF) ne se sont prononcés que pour l’interdiction aux moins de 16 ans.
  • Emmanuel Macron (LREM), Eric Zemmour (Reconquête), Valérie Pécresse (LR), Jean Lassalle (Résistons), et Fabien Roussel (PCF) n’ont pas répondu à ce questionnaire, montrant par là qu’ils n’attachent aucune importance à la question de la condition animale.

Le Parti Animaliste n’a quant à lui pas pu obtenir les fameux 500 parrainages nécessaires à la présentation d’un candidat.

Les deux partis les mieux « notés » abordaient explicitement la question de la condition animale dans leurs programmes, et mentionnaient clairement l’interdiction de la corrida :

Quant au PS, bien qu’il se soit donné la peine de répondre , il n’abordait la condition animale dans son programme électoral qu’au détour d’une phrase, sans implication particulière (« Nous lancerons des « Assises du bien-être animal », pour y engager l’ensemble des filières d’élevage, et marquer de nouveaux progrès partagés avec tous les acteurs.« )

Le NPA a fait mention sur son site de ses réponses à Engagement Animaux tout en les recadrant dans sa ligne idéologique.

LO n’en a pas fait mention.

Antécédents des partis se déclarant opposés à la corrida en 2022

La formation de JL Mélenchon

En 2012, dans le programme du Front de gauche, la condition animale n’était pas abordée.
En 2017 l’Avenir en Commun avait répondu favorablement à un certain nombre des propositions du manifeste Animal Politique. Mais la réponse concernant la corrida était négative (« il ne serait pas légitime d’organiser un débat parlementaire sur ce sujet. Il nous semble par ailleurs que l’Assemblée a de nombreux autres sujets à connaître. Enfin, il est plus logique de laisser les collectivités locales concernées traiter de cette question« ). Peut-être cette réponse s’expliquait-elle en partie par l’alliance lors des présidentielle de 2017 avec le PCF, qui a toujours été et reste profondément réactionnaire en matière de condition animale.

EELV

L’écologie politique française a mis un certain temps avant d’inclure la condition animale dans ses préoccupations.
Le parti « Les Verts » est né en 1984. Noel Mamère l’a rejoint en 1998, et en est devenu une figure au point d’en être le candidat aux élections présidentielles de 2002. On se souvient que Noël Mamère prenait un malin plaisir à défendre la corrida, la chasse ou le foie gras.
Ce n’est qu’à partir de la fin des années 2000 que Les Verts firent leur aggiornamento, et rejoignirent sur ce plan la ligne des partis écologistes des autres pays.
Ils prirent le nom d’Europe Écologie Les Verts (EELV) en 2010.

En 2012, la candidate EELV pour les présidentielles d’avril-mai, Eva Joly, était à titre personnel opposée aux corridas, mais déclarait en tant que candidate : « Je considère que la question de l’interdiction de ces pratiques doit passer par un nécessaire débat et l’organisation de référendums locaux, afin de permettre à chacun d’exprimer son opinion« .

Cependant, en septembre 2012, le Conseil fédéral du parti allait adopter à une large majorité une motion dans le cadre de laquelle il prenait clairement position contre la corrida. Il rejoignait en cela la position exprimée lors d’une motion adoptée en mars 2012 par les Jeunes Écologistes, mouvement rattaché à EELV.
Cette position contre la corrida fut renouvelée par la suite, ainsi en 2020 à une majorité écrasante.

En mai 2015, le Conseil fédéral créa la Commission Condition animale d’EELV, considérant que « La question de la condition animale fait partie des fondamentaux de l’écologie politique. »

En 2017, rappelons qu’EELV n’était pas présent aux présidentielles : Yannick Jadot avait retiré sa candidature en faveur du candidat PS Benoît Hamon.

PS

Le PS, comme tous les partis « traditionnels » ne s’était jamais engagé sur la question animale.
Ce n’est que lors de la campagne présidentielle de 2017 que Benoît Hamon avait répondu positivement à la plupart des propositions du Manifeste Animal Politique.
Mais le candidat PS, par ailleurs amateur de corridas à titre personnel, n’avait pas répondu à la proposition sur l’abolition de la corrida.

Quant à NPA et à LO, s’ils n’incluent pas explicitement la question animale dans leurs programmes, leurs candidats s’étaient prononcés pour l’abolition de la corrida en 2017.

Et l’avenir ?

La condition animale va certainement continuer à s’insérer dans la vie politique, mais comporte de nombreux aspects complexes et restera confrontée à de nombreux intérêts. Cependant, le lobby tauromachique est voué à s’atrophier et à s’effriter.
Le résultat des législatives de juin 2022 est imprévisible, mais dans tous les cas de figure, l’inédite union sous la bannière NUPES va faire entrer dans l’hémicycle de nombreux députés LFI et EELV, en principe les moins complaisants envers l’exception corrida.
Les choses ne seront pas pour autant toujours évidentes, comme nous l’illustrons dans l’article suivant : « Législatives 2022 : une faille dans le paysage d’EELV« .

 

COVAC