Casas : naufrage à tous les étages

Voilà un bon petit moment que nous ne nous étions pas penchés sur les péripéties financières du sieur Casas. Et pour cause : les comptes annuels 2020 de sa société historique, Simon Casas Production, n’ont été déposés au greffe du tribunal de commerce que le 27 juin… 2022.

Une nouvelle fois, Simon Casas s’est assis sur la loi sans que ça gêne le moins du monde le tribunal de commerce de Nîmes qui affiche une clémence à toute épreuve pour l’ensemble des sociétés de l’organisateur des séances de torture locales.

Mais bon, faisons contre mauvaise fortune bon cœur, car l’attente en valait vraiment la peine.

L’année 2019 avait déjà mis en lumière la désaffection de plus en plus prononcée d’une très grande majorité de citoyens pour ces spectacles à base d’effusion de sang : la société de Casas l’avait ainsi bouclé en constatant une perte de 195 000 €.

Une paille comparée à la performance de 2020 où le déficit de l’année s’est monté à pas moins de 2,2 millions d’euros. Sur ce montant, 900 000 € proviennent des places taurines gérées par Casas en Espagne.

Première conséquence d’une telle prouesse : les capitaux propres de la société ressortent négatifs à hauteur de 1,6 million d’euros. En simplifiant pour les non-initiés, cela signifie que non seulement cette société vaut aujourd’hui peanuts, mais également que tout repreneur potentiel pour l’euro symbolique se verrait d’entrée de jeu endetté à hauteur de cette somme, ce qui ne donne, avouons-le, pas très envie.

Seconde conséquence : une cessation de paiement qui est de plus en plus proche. La trésorerie de la société s’élève à peine à 15 000 €, et quand bien même elle encaisserait et y ajouterait toutes les créances qu’elle détient, soit 2,5 millions d’euros, cela s’avèrerait bien insuffisant pour payer l’ensemble des dettes qui s’établissent à 4,2 millions d’euros.

Les créanciers de l’entreprise, qu’il s’agisse des fournisseurs habituels, des organismes sociaux ou du Trésor public, ont du souci à se faire quant à recouvrer leur dû.

D’ailleurs, certains indices laissent à penser que Simon Casas se verrait bien appliquer la stratégie des frères Jalabert d’Arles où, voilà quelques années, une liquidation judiciaire leur avait permis d’éviter de passer au tiroir-caisse.

Qu’est-ce qui laisse penser cela ? Le fait que Casas ait décidé de créer une toute nouvelle structure en 2020 : la société SCP FRANCE, qui a illico hérité de la délégation de service public de la ville quant à l’organisation des corridas, démarrant ainsi avec des comptes tout neufs et surtout non impactés par les pertes antérieures abyssales (nous y reviendrons un peu plus loin).

Dès lors, la société Simon Casas Production ne dispose plus d’aucune activité sur le sol nîmois et doit se « contenter » des pertes des sociétés ibériques qu’elle contrôle.

D’ailleurs, pour ne pas changer, une petite originalité au niveau des comptes interpelle : le fonds de commerce présent au sein de l’actif immobilisé du bilan 2019 et valorisé à hauteur de 165 128 € a totalement disparu en 2020. Ce qui laisserait à penser qu’il a été vendu, ou alors qu’il a été totalement déprécié en raison de sa valeur actuelle nulle. Cette dernière explication tiendrait la route en raison des performances financières susmentionnées. Cependant, il est clairement indiqué au sein de l’annexe des comptes que « le fonds commercial correspond à une base client de l’établissement stable espagnol, qu’il n’a pas fait l’objet d’amortissements et n’a pas été déprécié sur l’exercice car la direction est confiante quant au renouvellement de la convention d’exploitation de cette base ».

En résumé : ce fonds commercial a disparu des comptes mais existe toujours. Et tout cela avec la bénédiction du commissaire aux comptes de la société qui a attesté la fiabilité et la sincérité des comptes

Revenons à SCP FRANCE, cette nouvelle structure qui est censé gérer la délégation de service public nîmoise jusqu’en 2024. Celle-ci est détenue à 70 % par la société Simon Casas Production et à 30 % par la SARL KIKA à la tête de laquelle on retrouve une autre passionnée d’hémoglobine de bovins : Marie Sara. On ne peut pas dire que ces associés croient dur comme fer en leur nouveau projet. En effet, sur les 50 000 € de capital social prévus, seule la moitié a été apportée au 31/12/2020.

Les faits ont donné raison à cette frilosité : la première année d’existence a débouché sur une perte de 45 000 €. La société a à peine eu le temps de souffler sa première bougie qu’elle se retrouve, à l’image de son associé principal, endettée jusqu’au coup et avec des capitaux propres réduits à néant.

Alors, bien entendu, les dirigeants de ces sociétés ont le réflexe de rattacher ces désastres financiers à la conjoncture sanitaire qu’a connu le pays en 2020 avec la pandémie de Covid-19 et aux confinements totaux ou partiels mis en place. Ce qui n’est pas totalement faux. En revanche, ce qu’ils oublient de dire, c’est que là où nombre d’entreprises ont dû se contenter de quelques milliers d’euros de fonds de solidarité, SCP FRANCE a pu compter sur la générosité du maire et de ses conseillers municipaux qui ont débloqué à son attention pas moins de 124 000 € d’argent public. Et sans l’intervention de certains élus d’opposition, cette somme aurait pu atteindre 202 000 €.

Histoire de conclure sur une très bonne nouvelle, rien ne vaut un dernier petit passage révélateur de l’annexe des comptes de SCP FRANCE : « Pour la feria des Vendanges 2020, la société a pu organiser des spectacles mais sur la base d’une jauge limitée à 5 000 personnes. Le résultat de cette feria a été décevant dans la mesure où le public, en raison d’une crainte manifeste de contamination, n’a pas répondu présente (sic) malgré la qualité des spectacles proposés ».

Traduction : la crise sanitaire a bon dos et une jauge de 5 000 personnes était totalement inutile puisque le nombre de pervers en mal de spectacles de torture animale était bien inférieur à cette dernière.

Alors, quand est-ce qu’on arrête les frais une bonne fois pour toutes ?

David Joly
Trésorier Flac et No Corrida