Le ministre de la Culture espagnol, José Manuel Rodríguez Uribes, a finalement accepté de recevoir une délégation d’organisations procorrida, telles que l’ANOET. Les taurins se sont pris une douche froide. Le ministre leur a confirmé leurs craintes après des semaines lors desquelles les annonces venant du gouvernement ignoraient systématiquement de mentionner la tauromachie dans l’inventaire des aides qui seraient attribuées à divers secteurs économiques : la tauromachie ne bénéficiera d’aucune aide spécifique.
Le secteur de la tauromachie pourra obtenir uniquement les mêmes prêts que n’importe qui d’autre en Espagne. Et il s’agira bien de prêts, qu’il faudra rembourser.
Certains médias taurins ont tenté de faire passer cela pour une victoire, alors que pas une seule des 37 revendications rendues publiques par la Fondation Toro de Lidia (FTL) et l’ANOET (Association nationale des organisateurs de spectacles taurins, présidée par Simon Casas) n’a été retenue.
Le gouvernement reste dans la position ferme de n’accorder aucune aide spéciale, comme le demandaient les lobbyistes taurins. De tout cela, ils n’ont jusqu’à présent rien obtenu. Concernant la possibilité d’obtenir des prêts, il est impossible juridiquement et administrativement d’exclure ce secteur d’activité par rapport à tous les autres. Mais s’agissant de prêts et pas d’aides, les entreprises taurines qui y auront recours devront les rembourser.
D’ailleurs, les partis politiques qui soutiennent la corrida systématiquement ne s’y sont pas trompés. Aussi bien Vox (extrême-droite) que le Partido Popular (PP, droite) ont exprimé leur fureur face à cette décision claire et nette de rejet humiliant d’aides spécifiques par le gouvernement.
Les organisations anticorrida toujours plus combatives
Les organisations anticorrida espagnoles restent vigilantes et prêtes à agir localement, à commencer par AnimaNaturalis, dont la campagne a fortement pesée dans cette décision, et La Tortura No Es Cultura, auxquels s’ajoutent AVATMA, CAS International, Animal Guardians et Gladiadores por la Paz, toutes très présentes dans les diverses régions autonomes qui gardent en théorie une marge de manoeuvre pour accorder des aides si elles le décident. Des actions pour s’y opposer sont d’ores et déjà en préparation.
Toutes ces organisations ont écrit au ministre de la Culture pour lui demander dès que possible une réunion télématique afin de discuter du retrait de la tauromachie du secteur de la Culture en Espagne, un rattachement qui avait été décidé par le gouvernement de Zapatero en 2011. En 2013, la tauromachie est devenue un patrimoine culturel grâce à une initiative législative populaire (ILP, équivalent à un référendum) qui, malgré de nombreuses irrégularités, avait été débattue à la Commission de la culture de l’Assemblée puis approuvée à la majorité absolue du PP avec une abstention du PSOE (parti socialiste).
« Il est absolument répréhensible qu’un spectacle qui consiste à célébrer la souffrance et la mort agonisante et publique de certains animaux, bovins d’âges divers, puisse être considéré comme une culture du 21e siècle« , dénonce José Enrique Zaldívar, président de AVATMA, Association des vétérinaires abolitionnistes de la tauromachie et la maltraitance des animaux.
Les organisations ont adressé aux représentants politiques la demande d’arbitrage des mécanismes démocratiques nécessaires pour que le secteur taurin soit éliminé de la Culture et renvoyé au ministère de l’Intérieur. « Nous demandons que la tauromachie revienne là d’où elle n’aurait jamais dû partir, jusqu’à ce qu’elle disparaisse définitivement« , a précisé Zaldívar.
Ce qu’une ILP a pu faire, une autre ILP peut le défaire, surtout depuis le changement de majorité qui a conduit à l’actuel gouvernement, ouvertement anticorrida.
Roger Lahana
Remerciements à Aïda Gascon et Sergio Garcia Torres pour les informations qui figurent dans cet article.