Béziers n’est pas une ville taurine

La tauromachie à Béziers compte très peu d’amateurs. Si les corridas « de vendanges » organisées autrefois chaque année en septembre ont disparu du calendrier biterrois à partir de 1995, c’est parce qu’elles manquaient de public.

A partir de 1998, pour la même raison, les corridas de juillet ont disparu à leur tour. Pour y attirer des spectateurs, on avait pourtant tout essayé : corridas équestres, corridas-concours, corridas goyesques et même une fois corrida mexicaine. Peine perdue : les corridas ne font pas recette, même en juillet, mois touristique qui permet d’ajouter des touristes aux aficionados locaux.

Robert Margé a essayé d’exploiter le mois de juin entre 1998 et 2000. En vain : même les novilladas, spectacles bon marché et faciles à rentabiliser, n’ont pas attiré assez de spectateurs pour couvrir les frais engagés. Quand les clubs taurins biterrois se risquent à organiser un spectacle taurin hors feria, au printemps ou en octobre, il n’attire que quelques centaines de spectateurs… dans une arène qui offre 13.000 places. Béziers n’est pas une ville taurine.

La corrida ne survit que grâce au soutien de la mairie

La revue taurine « Tendido » a reconnu il y a quelques années que dans toute la France il n’y a pas plus de 5.000 amateurs sincères de corridas. Ajoutons-y quelques milliers de snobs qui croient chic de s’afficher dans ces boucheries que la publicité prétend « artistiques et culturelles ». Le nombre total des aficionados vrais ou faux est très faible en France. Aussi, pour remplir ne fût-ce qu’à moitié l’arène biterroise, il faut ratisser les spectateurs dans tout l’hexagone. Pour qu’ils consentent à se rendre à Béziers, il faut leur offrir toute une feria, c’est-à-dire une foule d’attractions diverses (concerts de rue, spectacles équestres, festival flamenco, etc.), gratuites pour les visiteurs parce que payées par les contribuables. Si la corrida, morte à Béziers en juin, juillet et septembre, survit en août, c’est grâce à cette énorme subvention municipale qu’est la feria. L’argent des contribuables, majoritairement hostiles à la tauromachie, assure la survie de la tauromachie.

Un comble : l’école taurine

La mairie a ouvert et finance une école taurine qui apprend aux enfants à torturer et à tuer. La mairie assure que sa priorité est d’assurer la sécurité des Biterrois, mais elle soutient et subventionne une école qui enseigne la torture, la mort violente et qui donne aux jeunes le goût du sang, le mépris de la vie.

Pour des festivités sans corrida

Les ferias sont en France un phénomène récent : la première feria à Nîmes date de 1952 et la première feria biterroise eut lieu en 1968. Ces festivités sont conçues pour attirer non pas les touristes dans toute leur diversité, mais seulement les amateurs de corrida. C’est pourquoi l’affiche municipale annonçant chaque année cet événement n’évoque que la tauromachie, occultant les autres attractions de la feria.

Le résultat est paradoxal : la feria attire beaucoup de touristes, mais rares sont ceux qui mettent les pieds aux arènes. La feria biterroise rassemble jusqu’à 200.000 participants certains jours, affirme la mairie mais moins de 10.000 d’entre eux en moyenne (donc moins de 5%) assistent à une corrida. Les autres (plus de 95%) ne fréquentent la feria que pour le village équestre, le village occitan, les concerts de rue, pour boire, danser et « s’éclater » dans une foule en liesse.

La tauromachie a impérativement besoin d’une feria alcoolisée, tapageuse et violente pour attirer des spectateurs aux arènes, mais une feria n’a nullement besoin de corrida pour attirer des touristes et prospérer.

Organiser une grande fête populaire débarrassée de l’ivrognerie et sans effusion de sang est désormais urgent car la feria actuelle dégoûte beaucoup de monde et nuit au rayonnement de Béziers. Les Biterrois sont les premiers à fuir leur ville par milliers à la mi-août pour échapper aux nuisances innombrables de la feria. Les commerçants, censés être les principaux bénéficiaires de l’afflux touristique, sont en réalité une bonne centaine à fermer boutique dans le centre-ville à la mi-août pour échapper aux dérapages, aux excès de la feria.

Les Biterrois ont envie de festivités qui, au lieu de déguiser Béziers en ville andalouse, d’en faire un antre de Bacchus et un abattoir taurin, valoriseraient notre riche patrimoine historique, économique et culturel. Le canal du Midi (bien que classé au Patrimoine mondial de l’humanité) et le stade de la Méditerranée (qui nous a coûté si cher) restent tous deux étrangement inutilisés pendant la feria. La longue et dramatique histoire de Béziers pourrait inspirer de prestigieuses reconstitutions théâtrales. Quant à l’art lyrique, il fit autrefois, bien plus et bien mieux que la corrida, la réputation de nos arènes.

Tout cela pourrait être exploité toute l’année et pas seulement pendant 5 jours. Voilà ce qui profiterait pleinement au commerce et à l’économie de Béziers.

La dictature du milieu taurin

C’est aux citoyens biterrois de choisir l’identité, la culture, l’avenir de Béziers. L’élection municipale ne doit pas être celle d’un maire monarque qui impose à tout le monde, dans tous les domaines, ses goûts personnels. Depuis de longues années, nous demandons un débat public et un référendum local pour que les Biterrois, jamais consultés, puissent enfin décider si Béziers doit ou non accueillir des corridas sur son sol. En vain : le milieu taurin empêche tout débat parce qu’il se sait dépourvu d’arguments. Il refuse tout référendum : il sait que les Biterrois sont très majoritairement hostiles à la torture divertissement et à la mort spectacle.

Cette dictature du milieu taurin ne peut s’éterniser. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 s’achève par l’article suivant : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».

COLBAC
Comité de liaison biterrois pour l’abolition de la corrida

Le COLBAC a diffusé à l’occasion des élections municipales le texte ci-dessus, que nous reproduisons avec son aimable autorisation.