Comme l’a rapporté récemment No Corrida, les séances de torture prévues les 24 et 25 août derniers à Carcassonne dans le cadre de la feria n’ont pu se tenir. Motif : les branquignols à la tête du club taurin local n’ont pas obtenu l’aval de la commission de sécurité, malgré la fourniture d’un faux pour tenter de faire croire à cette dernière que l’arène brinquebalante installée était apte à recevoir du public.
Dès lors, cette annulation était synonyme de deux bonnes nouvelles.
La première, que tout le monde devine, est que Carcassonne connaissait de nouveau une feria sans effusion de sang, sans un seul être sensible massacré et transpercé de toute part afin d’assouvir les pulsions sadiques de quelques désœuvrés. Et cette feria a été, au dire de nombre de participants, une totale réussite, avec une fréquentation aussi élevée que les années précédentes. Et certains continuent à prétendre que sans corridas, une feria est vouée à l’échec…
La seconde, c’est que plusieurs dizaines de jeunes ont ainsi évité d’être confrontés, à leur insu, à une démonstration de barbarie qu’ils n’imaginaient certainement pas pouvoir encore exister au 21ème siècle. Cette information, c’est Audrey Duton, conseillère municipale déléguée à la jeunesse, qui nous l’a livrée par le biais de différents médias régionaux.
En effet, grâce à son mandat local, elle a eu connaissance de la prise de contact du Comité départemental olympique et sportif de l’Aude avec les services de la ville afin d’obtenir les coordonnées d’associations des quartiers sensibles.
Pourquoi une telle démarche ? Parce que ledit comité s’était vu octroyer par le club taurin 30 places destinées à être offertes à des jeunes.
Une démarche qui n’a rien d’une première (nous y reviendrons un peu plus loin) mais qui trouve son originalité dans l’identité de l’initiateur : le Comité départemental olympique et sportif. Comme l’a rappelé Audrey Duton, le rôle de ce comité est d’assurer la mise en place de la politique sportive.
En quoi la corrida serait un sport ? Au fait que le picador doit solliciter les muscles de l’un de ses bras afin de lacérer le coup du taureau à l’aide de sa pique ? Ou alors parce que les poseurs de banderilles courent quelques dizaines de mètres afin d’harponner leur victime ? Ou bien encore parce que le matador contracte les fessiers afin de prendre des pauses ridicules au milieu de l’arène, la bête ensanglantée qu’il vient de torturer gisant à ses pieds ?
Quant au caractère olympique de la chose, la question ne se pose même pas : la torturomachie est reconnue comme un délit par le Code pénal, bénéficiant d’une exemption de peine sur 10 % du territoire. Quand on a dit ça, on voit tout de suite transparaître les valeurs confraternelles de l’olympisme.
Saluons donc l’engagement d’Audrey Duton, présente aux côtés du CAAC (Comité audois pour l’abolition des corridas) qui a vu le jour depuis le retour autorisé par la justice des séances de torture en 2002 (parce que 50 ans d’interruption, aux yeux des juges, ça reste assez court pour conserver un caractère ininterrompu et bénéficier de l’exemption pénale).
En dénonçant cette pratique honteuse de tentative d’embrigadement des plus jeunes, elle est pleinement dans le rôle qui est localement le sien : la protection de l’enfance et de la jeunesse. Elle met de plus, en lumière, l’imposture du monde de l’aficion qui essaie de légitimer les actes barbares dont il raffole en leur donnant un semblant de caractère philanthropique : ici, il laisse sous-entendre que grâce à l’invitation dont il va bénéficier, le jeune de quartier défavorisé va ainsi sortir de son ghetto et être en contact avec certaines valeurs soi-disant présentes au sein des arènes et qui lui feront perdre son statut de délinquant potentiel (et ce, en observant les actes d’un délinquant avéré, le matador : allez comprendre).
Un procédé courant pour le petit monde de la tauromachie en manque de reconnaissance et de légitimité. Les quartiers défavorisés de Nîmes ont ainsi déjà subi le même traitement à plusieurs reprises. Corrida France, association de propagande de la torture tauromachique, a financé en 2017 une salle d’attente pour les enfants au sein de l’hôpital d’Arles, en présence du tueur local, Jean-Baptiste Jalabert. Quant à Casas, directeur des arènes de Nîmes, il s’est même payé le luxe d’organiser en 2010 une corrida de bienfaisance pour Haïti, suite à la catastrophe sismique connue par ce pays (détournant au passage, pourquoi se gêner, la TVA qui revenait au Trésor public).
À Carcassonne, comme partout ailleurs, l’aficion a beau gesticuler, elle se meurt face aux femmes et hommes de cœur qui la combattent et ne pourra échapper à son inéluctable destin : la disparition pure et simple de sa passion sanguinaire et anachronique.
David Joly
Trésorier de No Corrida