Dans une lettre pastorale datée du 19 mars 2018 intitulée « Un Chrétien doit dire non aux sacrifices modernes », l’évêque Raphaël Steck prend clairement position « pour la suppression de la corrida, de l’agneau de Pâques et autres coutumes apportant la souffrance animale au nom de Dieu« . Il nous a adressé ce document à la suite de la parution de l’article de Jean-Paul Richier consacré au même sujet, publié la veille sur le site de Mediapart et repris sur le nôtre.
Raphaël Steck développe dans une première partie les arguments qui font du christianisme une religion qui devrait être exempte de sacrifices animaux, ce qui aurait dû faire de ses croyants des végétariens. Il cite, en ce sens, un passage de la Genèse selon lequel l’homme est le protecteur des animaux et doit se soumettre à un régime végétarien. Il s’agit du verset 29 :
29 – Et Dieu dit : Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d’arbre et portant de la semence : ce sera votre nourriture.
L’évêque poursuit : « Ce n’est qu’après l’entrée du mal dans le cœur de l’homme et donc le péché que Dieu accorde aussi aux hommes un régime carnivore, après le déluge tel que nous l’indique Genèse 9,3. […] Nous voyons donc l’homme contrevenir aux lois divines à plusieurs reprises. Premièrement en tuant l’animal pour le manger ce qui n’est pas stipulé à l’origine et deuxièmement en transformant les sacrifices exceptionnels en une chose courante et quotidienne. […] Le Christ est mort sur la Croix en un sacrifice ultime et définitif. […] Par son Sacrifice ultime et éternel représenté par le culte de la nouvelle et éternelle alliance, il rend les sacrifices anciens caducs. L’Agneau de Dieu est immolé une fois pour toutes ! Sans le dire ouvertement ni heurter violemment les habitudes de l’époque, le Christ rend totalement inutile de faire couler le sang des animaux.«
Et il ajoute : « Nous pourrions croire que tout cela est fini depuis bien longtemps ! Que les sacrifices sont l’affaire des autres religions. D’ailleurs, nous sommes souvent prompts à critiquer les autres communautés pour cela. Alors oui, en effet, quel intérêt y a-t-il à tuer tant de moutons pour telle ou telle fête ? Nous pouvons et devons condamner ces sacrifices. Mais il serait bon aussi de ne pas traiter les autres de barbares quand nous-mêmes le sommes aussi. […] Cent millions d’agneaux sont tués dans le monde pour la fête pascale.«
Il quitte ensuite le domaine de l’alimentation pour aborder celui des spectacles basés sur la souffrance et la mort d’animaux, visant la « corrida ou autres fêtes votives que l’on trouve notamment en Espagne où l’on torture des animaux pour honorer un saint. Comment peut-on croire que le Ciel va nous accorder des grâces avec des horreurs pareilles ?! Jeter un âne du haut d’un clocher, jeter une vache dans la mer d’un haut d’une digue ou jeter des taureaux du haut d’un pont comme cela se faisait à Lyon pendant des siècles, enflammer les cornes d’une vache ou égorger des milliers d’oies, c’est de la barbarie et de la barbarie bien chrétienne ! De la barbarie issue des anciens cultes païens. Les corridas sont des abominations organisées souvent en l’honneur d’un saint, de la Vierge Marie ou du Christ. L’Église catholique cautionne cela malheureusement et l’on voit souvent des prêtres et évêques bénir les toreros et célébrer la messe dans les arènes, lieu où le sang sera répandu.«
A l’appui de son raisonnement, il cite un large extrait de la bulle du pape Pie V (voir notre article sur corrida et religions, extrait du livre « Corrida la honte »), ignominieusement annulée par le pape qui lui succéda. Et il met en exergue cette évidence : « Le sang appelle le sang, la violence appelle la violence et nous nous devons de lutter contre ces abominations. C’est pour la sauvegarde de nos frères et sœurs du règne animal que nous devons faire cela. C’est aussi pour ceux qui se rendent coupables, car nous devons les amener au repentir afin de les aider à sortir de cette spirale mortifère. C’est pour l’humanité tout entière que nous devons nous battre contre cette sauvagerie. Nos enfants et petits-enfants nous remercieront pour cela.«
Le texte intégral de la lettre de Raphaël Steck peut être lu en cliquant ici.
Roger Lahana
Crédit photo 2 : La messe aux arènes de Béziers (Hérault), mercredi 13 août 2014 – Laura Wojcik / Rue89
Raphaël Steck est évêque de l’Union Apostolique Gallicane, branche du catholicisme non romain qui s’oppose au pouvoir pyramidal du pape, et qui promeut en particulier le mariage des prêtres et des évêques, l’accueil des LGBT en tant que fidèles ou dans son clergé et la prise en compte de la condition animale.