Corrida et préhistoire, une falsification choquante

Un article de Thierry Hély

Du 3 au 9 juin 2017, le « musée tauromachique itinérant » s’arrêtera au Palais des congrès de Béziers. Le but de cette initiative taurine : faire oublier la véritable origine de la tauromachie espagnole… Cette dernière trouvant ses racines en grande partie dans les arrière-cours des abattoirs de Séville au 16ème siècle où des tueurs s’amusaient à massacrer des bovins de la manière la plus cruelle face à un public hilare juché sur les toits (Histoire de la corrida en Europe du 18ème au 21ème siècle aux éditions Connaissances et Savoirs).

Afin de faire oublier cette origine peu glorieuse, les taurins se sont inventés une ancienneté remontant à la préhistoire jusqu’à 23 000 ans… Mettant, entre autres, Lascaux et la Grotte de Villars en exergue. Prétendant même, selon le président de l’ONCT, André Viard, que Cro-Magnon serait le premier torero… On croit rêver !

Très vite, la FLAC alerte les plus grands préhistoriens et spécialistes de Lascaux. Leurs réactions indignées et publiques ne se font pas attendre : aussitôt, ils réfutent avec force ces allégations délirantes, conscients que cette usurpation salissait l’image de toutes ces merveilles préhistoriques. La presse s’en fait l’écho, Paris Match en particulier.

Il n’est pas question de nier l’importance du culte du taureau à travers les siècles (celui-ci souvent représenté par des jeux sportifs comme en Crète, par exemple), mais de refuser l’amalgame avec le rituel sanglant de la corrida où un homme en habit de lumière et au comportement de danseuse, torture à mort à l’arme blanche un herbivore. L’homme préhistorique ne tuait que pour se nourrir.

C’est là, la grande différence ! Et à notre connaissance, parmi les fresques de Lascaux, on n’aperçoit pas un homme de Cro-Magnon en bas rose…

DSC03384p

Pour cette raison, au nom de la liberté d’expression si chère au maire de Béziers, une délégation de la FLAC sera présente de manière pacifique au Palais des congrès le jour de l’inauguration (le 2 juin) afin d’apporter une contradiction bien légitime. Avec articles de presse à la main. Petite variante, ce jour là, nous ne serons pas là en tant que anticorrida, mais en tant que représentants de tous ces préhistoriens choqués par cette appropriation intellectuelle. Ce sont nos avocats qui nous l’ont demandé. Car ne l’oublions jamais, la première corrida formelle en France eut lieu en 1853 à Bayonne.

Nous terminerons par cet aphorisme du grand préhistorien Norbert Ajoulat : « Lascaux c’est la vie, la corrida c’est la mort« . Tout est dit…

Thierry Hély, président de la FLAC

Photo prise pendant la manifestation anticorrida de Madrid le 13 mai 2017 (RL).