Quand Léa ne torture pas, elle vomit

Ce n’est pas du tout passé inaperçu, tant au niveau des médias que des réseaux sociaux : Rémi Gaillard, connu pour ses vidéos humoristiques mises en ligne sur Internet, est resté enfermé 5 jours et 4 nuits au sein de l’une des cages de la SPA de Montpellier. Objectif : sensibiliser les citoyens sur le sort des animaux encore trop souvent abandonnés. Opération plus que réussie puisque d’une part les dons, qui vont permettre d’améliorer les conditions de vie des pensionnaires de la SPA locale, ont atteint les 200 000 €, d’autre part ce sont quelque 150 chiens et chats qui ont trouvé une famille d’adoption.

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Nombre d’individus, anonymes comme célébrités, ont salué l’initiative de Rémi Gaillard qui a de nouveau mis sa notoriété au service de la cause animale. En effet, il a déjà dénoncé à plusieurs reprises, au sein de ses vidéos, les loisirs reposant sur la maltraitance, la torture et la mise à mort d’animaux que sont la chasse, la corrida et les parcs aquatiques.

Ce fut donc une belle unanimité pour saluer cet exploit. L’unanimité moins une voix. Parce qu’il existe tout de même une personne qui a publiquement critiqué la réussite de cette action. Léa Vicens, dont le métier est de pratiquer sur des bovins des sévices graves et actes de cruauté, se permit, au moment où les dons avaient déjà atteint 90 000 €, le tweet suivant :

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Posons-nous donc la question de savoir ce qui l’a poussé à utiliser cette rhétorique qui est née au même moment que les premiers préceptes de l’éthique animale : pendant que vous vous souciez du sort des animaux, vous délaissez une partie de l’humanité en situation de détresse.

Tout militant de la protection animale s’est au moins une fois vu reprocher de ne pas consacrer son temps, selon les situations et les époques, aux SDF, aux femmes battues, aux enfants abusés, au tiers-monde qui meurt de faim, aux victimes des conflits et guerres civiles, aux personnes gravement malades, aux orphelins, etc.

Et dans la quasi-totalité des situations, l’individu à l’origine de ces reproches passe le plus clair de son temps confortablement installé dans son canapé, offrant au téléviseur qui lui fait face son temps de cerveau disponible.

Mais Léa, elle n’est pas comme ça. Elle fait partie d’un monde généreux qui a la main sur le cœur pour son prochain (à condition bien sûr que ce prochain ne soit pas un bovidé) : le monde de la tauromachie.

Certes, on y trucide à l’arme blanche, on y découpe la peau, la chair et les muscles, on y perfore les poumons, on y poignarde le bulbe rachidien, mais on le fait sinon pour la culture, de temps en temps pour le bien de l’humanité. On appelle cela des corridas de bienfaisance où des taureaux ont l’honneur d’être transformés en charpie afin de récolter des fonds pour les victimes d’un tremblement de terre à Haïti, Emmaüs, les Restaurants du cœur, l’association des Paralysés de France…

Qu’on ne s’y trompe pas : ce qui intéresse le monde de la tauromachie, ce n’est pas d’aider son prochain mais de trouver une caution morale qu’il n’arrive pas à obtenir aux yeux des trois quarts des citoyens de ce pays qui voient la corrida telle qu’elle est, c’est-à-dire une séance de torture d’un être sensible. D’ailleurs, les potentiels bénéficiaires de ces corridas de bienfaisance susmentionnés ne s’y sont pas non plus trompés, refusant systématiquement les dons générés par la mort-spectacle.

Au final, ce qui dérange Léa Vicens dans cette histoire, ce n’est pas que Rémi Gaillard ne soit pas venu en aide à des membres de sa propre espèce. Ce n’est pas qu’il se soit investi pour le sort des chats et chiens. Si ça se trouve, elle a elle-même un animal domestique à la maison qu’elle chouchoute. Non, ce qui la contrarie avant tout, c’est que cette initiative aille une nouvelle fois dans le sens de la compassion envers le non-humain, participe à la prise de conscience collective du caractère sensible de l’animal et remet ainsi en cause la pérennité de son fonds de commerce.

Elle rejoint en cela un autre grand paranoïaque de ce petit cercle de la torturomachie qui crut bon récemment d’organiser, avec la complicité de quelques séniles sénateurs, un colloque pour prévenir du conflit de civilisations issu de cet élargissement du cercle de l’empathie et qui menace, d’après lui, l’humanité entière. Rien que ça.

Comme le dit si bien Matthieu Ricard : il ne s’agit pas de s’occuper que des animaux, il s’agit de s’occuper aussi des animaux. Dont les taureaux. N’en déplaise à Léa.

David Joly