Nous avons souvent été stupéfaits des propos tenus au fil du temps par André Viard. Leur outrance ne déçoit jamais, au point d’en rire, ce que nous ne nous sommes jamais privés de faire. Son dernier billet, rendu public sur un réseau social, nous a incités à créer une nouvelle rubrique sur notre site, qui rassemblera désormais nos articles sur les bouffonneries des lobbyistes procorrida et autres aficionados aux propos boursouflés ou aux comportements débiles. Cette rubrique s’appelle « En quel état j’erre » et en voici le premier article. D’autres déjà publiés sur notre site vont y être ajoutés et, bien sûr, tous ceux à venir. Sacré Viard, une fois de plus, il ne cessera jamais de nous sidérer par le ridicule qu’il parvient à déployer toujours plus fort.
Récemment, il a mis en ligne cette déclaration :
Placer autant d’inepties en aussi peu de mots, c’est un vrai record, mais il est vrai qu’on a affaire à un champion en la matière. Certaines personnes s’améliorent avec l’âge, lui c’est l’inverse. Même Marie Sara, autre grande pourvoyeuse de délires tauromaniaques, est distancée par ce maître incontesté de la désinformation, des mensonges, du délire paranoïaque et de l’autosatisfaction.
Sa première revendication, qu’il présente avec aplomb alors que toute l’histoire fiscale de ces vingt-cinq dernières années va en sens inverse, est de réclamer une « TVA du spectacle vivant » à 2,1% pour les corridas. Simon Casas avait tenté de s’auto-attribuer une TVA à 2,1% au début des années 90, au précédent millénaire et il avait seulement obtenu un magnifique redressement fiscal (déjà… le début d’une longue série avec à chaque fois les mêmes conséquences). Vingt ans plus tard, le lobby taurin avait lancé le gros enfumage de l’inscription en douce de la tauromachie à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France, prétexte à de nouvelles fraudes fiscales généralisées malgré le communiqué parfaitement clair du Trésor public sur le fait que, classement ou pas, la corrida restait redevable d’une TVA à taux plein. L’inscription avait été annulée par la Cour administrative d’appel de Paris et le recours de l’ONCT, foireux comme toujours, avait définitivement enterré toute tentative d’y revenir.
Il va falloir qu’ils finissent par avaler ça, les aficionidiots : la corrida n’est pas une culture et elle n’est pas non plus un spectacle vivant, tout simplement parce que torturer et tuer des animaux en public ne peut être qualifié ni de « culturel », ni encore moins de « vivant ».
Mais peu importe aux yeux de Viard. S’il le pouvait, il demanderait l’ajout de la corrida comme nouvelle discipline olympique, il proposerait l’attribution du prix Nobel de la paix à Padilla, il ferait entrer Nimeño au Panthéon, il exigerait que des corridas s’organisent partout en France au nom de l’égalité des citoyens devant la loi et probablement bien d’autres initiatives que seul son cerveau exceptionnel est capable d’imaginer.
Viard continue son appel avec la demande de « subventions pour les écoles taurines au regard de leur rôle formateur ». Attendez, laissez-nous reprendre notre souffle, parce que là, ça va loin. Premier point, toutes les écoles taurines en France sont déjà financées par des subventions. Par exemple, celle de Béziers est grassement financée par la mairie, donc avec les impôts locaux des habitants de cette ville (140 000 euros sur cinq ans selon les comptes-rendus du Conseil municipal). Donc, sur ce premier aspect, Viard n’a pas besoin d’appeler ses troupes maigrissantes à se mobiliser, sa demande est déjà exaucée depuis des décennies.
En revanche, ce qui laisse sans voix, c’est de considérer que ces écoles d’apprentissage à la torture animale auraient un « rôle formateur ». Formateur à quoi ? Au sadisme dès le plus jeune âge ? A l’indifférence totale vis-à-vis de l’agonie sanguinolente d’un animal ? A la manipulation d’armes blanches pour transpercer des veaux puis plus tard des taureaux ? A ce compte-là, peut-être que la mafia devrait aussi demander, dans les domaines où elle agit de façon traditionnelle et ininterrompue, à bénéficier de subventions pour son rôle formateur à commettre des délits et des crimes de façon professionnelle.
Troisième requête de l’ineffable Dédé, « des primes pour les éleveurs au regard de leur apport écologique ». Là encore, il va loin, le héraut autoproclamé de la torturomachie. Selon toutes les études validées au niveau mondial, la principale source de dérèglement climatique en raison des émanations de gaz à effets de serre, c’est l’élevage. S’il y a bien une activité humaine qui n’est pas écologique, c’est celle-là. Même les voitures et les avions réunis polluent moins. Et si Viard veut dire que les élevages spécialisés dans la production de taureaux destinés aux corridas sont des modèles pour la sauvegarde de certains écosystèmes, il oublie, comme toujours, que le but de tous les élevages est de conduire les animaux « élevés » à leur mort et que celui des ganaderias, dont 95% des animaux sont abattus pour leur viande, est d’envoyer les 5% restants se faire torturer dans des arènes avant d’être, eux aussi, abattus et mangés.
Il va falloir qu’il nous explique en quoi il s’agit là d’un gain pour la biodiversité qui mérite d’être soutenu par des primes, alors que déjà 150 millions d’euros sont versés chaque année à ces mêmes éleveurs de taureaux destinés aux corridas par l’Union européenne parce que les règles de la politique agricole commune ne permettent pas de les différencier administrativement des éleveurs « normaux » (ceux qui font tuer 100% de leurs animaux directement à l’abattoir).
A partir de là, Viard fait une sortie de route pour s’attaquer à son obsession de ces dernières années, le véganisme. Quel rapport avec la corrida ? Certes, tous les vegans sont anticorrida puisqu’ils rejettent toute forme d’exploitation animale. Mais ils représentent moins de 1% de la population française, alors que 74% des Français veulent l’abolition des corridas. En toute logique, Viard ferait donc mieux d’affronter les 73% de ses compatriotes non vegans qui détestent la corrida et mangent, comme lui, de la viande, plutôt que l’infime minorité qu’il abhore parce qu’elle n’en mange pas. Les non vegans représentent un bien plus grand danger pour la cause qu’il défend, non seulement parce qu’ils forment une large majorité (il serait temps que les députés en tirent les conséquences) mais aussi parce qu’ils mettent ainsi le doigt sur la raison fondamentale qui fait qu’on est anticorrida : c’est uniquement parce qu’il s’agit de tortures données en spectacle et que cela est insupportable, cela n’a rien à voir avec la façon dont on se nourrit. Mais bon, on rentre là dans la psychologie profonde d’un vrai aficionado, celle basée sur la haine, la lâcheté et le mensonge. Et quand un aficionado se retrouve à court d’arguments réels (c’est-à-dire tout le temps), il sort une diversion : les causes « plus urgentes », le terrorisme, le fascisme, les sectes, aujourd’hui le veganisme, la liste est sans fin.
Quant à la « dangerosité avérée de la diète vegane pour les enfants », allez en parler aux nutritionnistes qui ont vraiment étudié la question, comme par exemple la Fédération britannique pour la Nutrition qui indique que « des études menées auprès d’enfants végétariens et végétaliens au Royaume-Uni ont montré que leur croissance et leur développement suivaient des courbes normales« . Allez en parler à la quarantaine de professionnels de la santé qui ont signé une étude dans un grand quotidien national soulignant que « les alimentations végétariennes correctement menées, dont le végétalisme, sont saines, adéquates sur le plan nutritionnel, et peuvent présenter des avantages dans la prévention et le traitement de certaines maladies. Les alimentations végétariennes bien menées sont adaptées à tous les stades de la vie, notamment aux femmes enceintes, aux femmes qui allaitent, aux nourrissons, aux enfants, aux adolescents ainsi qu’aux sportifs« . Allez en parler aux sportifs de haut niveau de plus en plus nombreux qui ont adopté un régime végétarien ou végétalien et n’en sont pas moins champions du monde de leurs disciplines.
Je rappelle que la totalité des énormités énoncées par Viard qui ont inspiré le présent article tiennent en une seule phrase. C’est dire s’il est lui champion du monde dans sa catégorie de nombril suprême de l’aficion. Le problème, c’est qu’il a atteint un tel niveau qu’il n’y a quasiment plus personne pour le suivre au sein du mundillo. La seule chose qui a été partagée massivement, comme il exhorte ses troupes à le faire à la fin de son communiqué, c’est l’indifférence gênée de ses « amis » et l’hilarité de tous les autres. Bravo, champion.
Roger Lahana
Photo : André Viard à Vic Fezensac en juin 2014 (RL).
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