L’Initiative législative populaire en Espagne est un mécanisme de démocratie semi-directe prévu par la constitution espagnole de 1978 qui permet à 500 000 citoyens espagnols (soit 1,26 % du corps électoral), par pétition, de saisir le Congrès des députés afin qu’il statue sur une proposition de loi. Ce mécanisme ne comporte pas de référendum. Après sa présentation devant le Congrès des députés (assemblée nationale), l’assemblée examine la proposition et se prononce sur son admissibilité dans les 15 jours. Le comité pétitionnaire peut faire recours de la décision devant le Tribunal constitutionnel. Les frais de récolte de signatures sont remboursés par l’État si le comité atteint les 500 000 signatures. (source Wikipedia).
Le 4 janvier 2024, le collectif No Es Mi Cultura a enregistré une ILP visant à abroger la loi 18/2013 sur le patrimoine culturel de la tauromachie. Un groupe d’activistes et d’avocats s’est engagé à lancer la campagne sociale la plus vaste et la plus ambitieuse pour garantir que la tauromachie cesse de faire partie du patrimoine culturel espagnol. L’initiative était soutenue par de nombreuses organisations de protection des animaux et de l’environnement, des organisations de protection de l’enfance et des associations culturelles, dont AnimaNaturalis, très actif sur la campagne de recueil des signatures partout en Espagne, et LTNEC (La tortura no es cultura).
715 606 signataires
Début février 2024, le Conseil du Congrès a accepté la pétition. Le délai pour réunir 500 000 signatures a été porté au 17 février 2025, afin de commencer son traitement à la Chambre du Congrès des Députés. Le cap a été largement franchi puisque pas moins de 715 606 personnes ont signé.
Un rassemblement a été organisé devant l’Assemblée des Députés pour fêter ce score extraordinaire. Plusieurs grandes figures du collectif No Es Mi Cultura ont pris la parole, dont Marta Esteban (LTNEC). De nombreux médias espagnols s’étaient déplacés pour l’occasion. Puis les cartons de pétitions signées ont été remis à l’Assemblée, qui doit vérifier la validité et le nombre de signatures dans un délai de six mois. Lorsque cette étape aura été franchie, la proposition de modification de la Constitution sera portée à l’ordre du jour des débats, pour un vote en séance plénière.
Si le vote va dans le sens de la demande soutenue par les 715 606 signataires, les articles protégeant la corrida dans la Constitution espagnole seront abrogés. Cela ouvrira la voie à un projet de loi d’abolition. Il faut se rappeler que, même en Espagne, une large majorité de citoyens sont opposés à la corrida, comme l’a montré un sondage Ipsos en mai 2024 réalisé à la demande de CAS International.
Mais la route ne sera pas facile. Même si le soutien des citoyens est écrasant, le processus législatif nécessite un lobbying politique intense. « Il ne s’agit pas seulement d’une question de droits des animaux, mais d’une question de cohérence démocratique », a insisté Aïda Gascón, directrice d’AnimaNaturalis en Espagne. Le plus grand défi : convaincre des partis comme le PSOE, traditionnellement liés aux secteurs taurins, de privilégier l’éthique plutôt que les intérêts minoritaires.
Cette victoire est un premier pas, mais le véritable test reste à venir. Pour éviter que les 715 606 signatures ne disparaissent dans les couloirs du pouvoir, il est crucial de maintenir une campagne de pression politique indépendante et transversale. « Notre lutte n’est pas partisane : c’est un engagement éthique », a souligné Aïda Gascón.