Nouvelle réjouissante venue d’Andalousie en Espagne : les élevages de taureaux destinés aux corridas sont au bord de l’extinction en raison de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques. C’est la chaîne de radio et télévision Canal Sur qui le rapporte dans l’un de ses reportages le 5 mars 2021 (voir notre traduction en français en cliquant ici). Que cette situation se produise dans une région aussi emblématique pour la tauromachie est un symbole fort. La fin de tels élevages signifierait mécaniquement la fin des corridas.
Lorsque l’on critique l’existence de tels élevages, les aficionados rétorquent que cela entraînerait également la disparition de la race des taureaux dits « de combat » – une expression que nous devons nous garder d’utiliser, car elle induit un déterminisme anthropocentrique qui ferait de ces bovins des animaux dont la destinée est de « combattre ». Dans la nature, il n’existe pas plus de taureau de combat qu’il n’y a de lapin guerrier ou de brebis d’assaut. Les bovins sont des ruminants qui ne sont les prédateurs d’aucun autre animal. Rien ne les prédestine à se battre, en dehors des parades sexuelles ou de la défense de leur territoire. La corrida n’est pas une création de la nature, elle est un divertissement cruel et artificiel, entièrement fabriqué par l’Homme, une série de trucages et de mensonges ayant pour but de conduire l’animal concerné jusqu’à la mort après une épouvantable agonie. Lorsque les élevages de ces taureaux destinés aux corridas finiront par disparaître, leur massacre ritualisé s’effondrera aussi.
Sans la pandémie, la saison des corridas débuterait en mars en Espagne. Pour la deuxième année consécutive, il n’y aura cependant aucune corrida ni autre type de spectacle avec ces animaux. Les éleveurs de taureaux destinés aux corridas se plaignent que le secteur est au bord de l’extinction. Ils ont des dettes qui se sont multipliées pendant un an, sans avoir de revenus. La situation, disent-ils, n’est pas viable. Ils demandent des aides financières pour parvenir à maintenir leurs élevages. Or, ils font partie d’un secteur d’activité pour lequel il n’y a pas eu d’ERTE (Expediente de Regulación Temporal de Empleo, aide temporaire à l’emploi). Bien que les taureaux ne soient pas vendus et que les éleveurs ne facturent rien, ils sont obligés d’entretenir leur bétail et de disposer du personnel nécessaire à leur exploitation. Les pertes en 2020 de la filière andalouse des taureaux destinés aux corridas ont dépassé 31 millions d’euros. Cette situation a conduit 20% des élevages de la région à la faillite, ce qui a eu pour conséquence directe l’envoi de la totalité des troupeaux à l’abattoir.
Les éleveurs d’Andalousie se sont réunis en une plate-forme commune pour demander des aides financières. Si la situation perdure, ils pensent que ce sera la fin des élevages de ce genre. L’argument mis en avant est particulièrement spécieux et mensonger : selon eux, cela permettrait d’éviter l’abattage des animaux. La réalité, c’est que cela aurait été de toute façon leur destin, comme cela est le cas pour tous les animaux d’élevage. Au moins ceux-là ont-ils échappé à la torture finale qu’ils subissent lorsqu’ils se retrouvent dans une arène.
Hors crise sanitaire, environ 95% des taureaux d’un élevage de ce type partent à l’abattoir et seuls 5% sont sélectionnés pour aller agoniser dans une arène avant que leur corps soit également envoyé à la boucherie. Inutile de tenter de nous culpabiliser avec le prétendu risque d’extinction de la race des « taureaux de combats » si les élevages font faillite : dans tous les cas de figure, ces animaux sont envoyés à la mort.
Roger Lahana
Article publié par le site Savoir Animal