Simon Casas est un ancien matador devenu organisateur réputé de corridas des deux côtés des Pyrénées. Il dirige les arènes de Nîmes, Madrid, Valencia, Alicante et il vient de mettre la main sur celles de Béziers en affirmant « Je veux raconter une histoire, une nouvelle histoire ». Raconter des histoires, il sait le faire. Non seulement il a grugé le fisc à de multiples reprises, avec à chaque fois à la clé une condamnation ou un redressement conséquent – le dernier en date d’environ 2 millions d’euros – mais il est également l’auteur de plusieurs livres. Reconnaissons-lui une qualité, celle d’avoir su exprimer sans détour les déviances sexuelles particulièrement glauques qui sous-tendent les spectacles tauromachiques et, partant, l’imaginaire érotique trouble des aficionados.
« La corrida est vaginale » (Simon Casas)
Dans son livre Taches d’encre et de sang, il écrit : « Faire l’amour au taureau, c’est sûr, c’est impudique, c’est beau, il vient vers vous, pas pour vous encorner, mais pour aimer ! La muleta tirée sur le sol comme une langue qui inviterait pour un profond baiser, le spectateur se fait voyeur, c’est à un coït que l’on assiste, un orgasme collectif, à Bayonne la corrida est vaginale… »
Ces quelques lignes résument bien des choses en très peu de mots. Que peut-on en déduire de façon factuelle, sans porter de jugement de valeur ?
Tout d’abord, si la muleta représente une langue invitant à un baiser et que le taureau est indubitablement symbole de virilité exacerbée, cela fait en toute logique du matador la représentation de la féminité. De fait, son apparence reproduit des stéréotypes féminins :
- Il est vêtu d’un accoutrement moulant à l’extrême, ce qui met en valeur les volumes de ses fesses et de ses attributs sexuels
- Le style même de la tenue portée est ouvertement féminin : couleurs vives, ornements sophistiqués, broderies délicates. Ajoutons que le torero prend en permanences des postures cambrées accompagnées des gestes virevoltants, évoquant la chorégraphie d’une danseuse de ballet.
Rien de mal à cela dans l’absolu. Les toreros peuvent avoir la sexualité qu’ils veulent. Ce qui surprend, c’est que cela s’inscrive dans une culture tauromachique hautement machiste, où n’est considérée comme respectable que l’hétérosexualité la plus standard. Comment les aficionados peuvent-ils fantasmer autant que Casas le fait sur un matador aussi ouvertement féminisé ? Le torero Julien Lescarret, le confirme dans le journal Sud Ouest du 14 août 2012 : « Pour moi, on est des hommes habillés en femmes. Et récupérer notre virilité se fait par la pénétration de l’épée. »
Si la conclusion de cet acte sexuel – forcément zoophile, soit dit en passant – est un coït, le pénis qui procède à la pénétration ne peut être que l’épée, soulignant ainsi que la créature efféminée qui la cachait sous sa cape-langue a besoin d’un substitut phallique artificiel pour aller jouir au plus profond du corps de son amant-taureau. Ce qui confirme que le matador est bien une femme… ou alors un impuissant qui a besoin d’un substitut à son absence d’érection. Cela implique également que le taureau n’est plus un mâle puisqu’il vient de se voir affublé au milieu du dos d’un vagin sanguinolent, taillé à vif par la prothèse sexuelle de son amant(e) meurtrier(e).
Marie Sara, rejoneadora (corrida à cheval), abonde en ce sens sans ambiguïté : « Je caresse le taureau, la pique c’est la pénétration, ai-je besoin de faire un dessin ? C’est une relation d’amour que je vis avec lui. » Une relation d’amour qui se conclut par la mise à mort de son amant-taureau.
Qu’on ne se méprenne pas sur mon propos : s’agissant de préférences sexuelles, tout est permis entre adultes consentants. Il n’y a rien d’anormal ou de critiquable à utiliser un sex-toy pour pénétrer son partenaire si les deux sont d’accord, comme semble l’être le matador sous la plume exaltée de Simon Casas, corroboré par Marie Sara. En revanche, cela devient particulièrement trouble pour des machistes qui exacerbent la virilité du torero. Pourtant, si on en croit Casas qui s’y connaît en culture tauromachique, ils ont clairement le fantasme d’en faire cette créature efféminée ou impuissante et, comble de l’excitation voyeuriste et zoophile, ils vont même, souligne-t-il, jusqu’à atteindre un orgasme collectif en le voyant jouir. Et il ajoute : « Quand je vois un jeune torero triompher, je bande, ça n’a pas de prix. »
Avec un tel degré de cacophonie mentale et de libido chaotique, il n’est pas si surprenant de voir se multiplier des dérapages graves.
C’est ainsi qu’un spectateur d’une corrida à Mont-de-Marsan, peut-être parce qu’il n’en pouvait plus d’attendre avant de jouir, a été surpris à faire subir des attouchements sexuels à une fillette de six ans. Il a été arrêté et condamné. Il était probablement pédophile bien avant de s’assoir sur ces gradins, mais s’il était là, c’est aussi parce qu’il aimait les corridas, sinon il aurait préféré fréquenter des lieux moins improbables et surtout plus discrets pour rencontrer ses petites victimes. Car que pouvait bien faire là une gamine de six ans, au milieu d’une foule de pervers zoophiles ?
C’est également ainsi que, lors du lynchage de Rodilhan en 2011, des aficionados ont profité de la présence de jeunes femmes parmi les militants qui s’étaient entravés dans l’arène, non seulement pour les rouer de coups, mais également pour les tripoter sans retenue et même pour en déshabiller une à moitié, le tout sous l’œil des caméras qui ont immortalisé ces scènes d’une sauvagerie rare.
C’est encore ainsi que Juan Pedro Galán, un matador réputé, mais en mal de revenus a décidé d’arrondir ses fins de mois en dirigeant un réseau de proxénétisme.
Et je ne parle ici que d’exemples récents, sans m’attarder sur les multiples cas d’agressions sexuelles en réunion qui émaillent les grandes « fêtes » taurines comme celle de San Fermin à Pampelune.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que côté sexualité, on peut légitimement s’inquiéter de l’équilibre des aficionados.
Roger Lahana
Photo RL, arènes de Nîmes