Un jeune homme d’une vingtaine d’années a été tué par un chasseur en battue, dans un village rural du Lot, Calvignac. Le maire de cette commune redouterait, selon une rumeur, l’arrivée de « bobos anti-chasses » dans ce rural décidément très très profond.
Les parents de la jeune victime sont décédés récemment de cancers et le jeune homme laisse un petit frère qui sera désormais bien seul. Que redoute le maire ? « L’arrivée de bobos antichasses » dans son trou à chasseurs.
Il advient ainsi, chaque année, que le loisir de mort qui tue trente millions d’animaux fauche également la vie de quelques dizaines de bipèdes. Sociologiquement, les chasseurs homicideurs craignent d’abord le retrait de leur permis et il est fréquent de les retrouver, quelques années après l’accident meurtrier, en action de chasse avec leur instrument de mort. L’habitude est une seconde nature. Ôter la vie immunise contre les douleurs de la conscience. Ecole de violence, la chasse entraîne l’homme à considérer comme banal le fait de retirer la vie.
Bien sûr, la chasse n’est pas le meurtre. Il y a entre eux une différence de degré, mais bien des similitudes de nature car la sensibilité s’émousse au spectacle de la mort donnée gratuitement. Lamartine avait raison : « L’homme n’a pas deux cœurs. Un pour l’animal et un pour l’homme. Il en a un ou n’en a pas ». Partout dans les campagnes, le sang coule et des animaux, êtres sensibles, sont blessés, traqués, mordus par les chiens, criblés de plombs, broyés par les balles. Les humains hominisés qui, parfois, assistent par inadvertance à ces scènes répugnantes en éprouvent une bouleversante émotion.
Personnellement, je n’ai jamais fondé mon opposition radicale à la chasse sur des considérations techniques tenant, par exemple, à la disparition des espèces, aux agressions contre la biodiversité par une activité récréationnelle aux multiples dégâts collatéraux pour toute la faune, y compris celle devenue trop rare et en théorie protégée par la loi inappliquée. Non, ce sont des raisons morales fondamentales qui me commandent cette condamnation d’un loisir dont l’enjeu est la souffrance et la mort d’un être sensible. Le mépris de la vie animale, la banalisation de la cruauté, l’édification en jeu de l’acte de tuer prépare les chasseurs à ne voir dans la mort d’un autre homme qu’un accident comportant « l’immense risque » qu’une commune soit arpentée par des « bobos anti-chasses ».
La chasse nous donne la nausée.
Et dire que le président de la république actuel couvre cette pratique, ce qui insulte le peuple français. La mort loisir ne demeure une passion que pour une minorité rétrograde et aux abois. Abolissons la chasse à l’instar de l’abolition des sacrifices humains du passé, des ordalies, des bûchers, des galères, de l’esclavage, de la peine de mort et pour les mêmes raisons : celles du cœur.
Gérard Charollois
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