Un article de Rita Silva
Présidente d’ANIMAL (Portugal), co-fondatrice et co-coordinatrice du Réseau international anti-tauromachie (RIA)
Si le secteur de la tauromachie se prétend marginalisé, c’est parce qu’il est en fait en marge de la Culture. Cela ne fait pas vraiment partie d’une culture positive, qui nourrit les gens, qui y contribue. Nous parlons d’un type d’activité culturelle qui est dépassé et doit, comme tant de traditions culturelles du passé, être aboli.
L’impact de la pandémie sur le secteur culturel a été dévastateur. De nombreuses activités sont à l’arrêt, avec d’innombrables employés licenciés ou même sans contrat, des familles avec peu ou pas de soutien et, à vrai dire, dans beaucoup de ces activités, indépendamment de ce qui est stipulé par le gouvernement, on ne sait pas quel genre de normalité existera par la suite.
Au Portugal, sous la tutelle de la Culture, il existe une industrie dont l’activité fondamentale est basée sur un exercice de violence contre les animaux. Je parle de corrida. Oui, c’est une activité réglementée par la loi, je sais. Je sais aussi que tout ce qui est légal n’est pas éthiquement acceptable. Je parle d’une activité qui n’est appréciée que par une fraction de gens qui ont grandi avec elle, habitués à cette réalité, auxquels s’ajoutent quelques-uns qui, pour une raison quelconque, ont été enchantés par le monde de la tauromachie. Comme pour tous les spectacles qui impliquent un public en direct, la corrida a également annulé des événements et reporté certains à une date incertaine.
Le secteur taurin demande de l’aide au gouvernement
À cet égard, le secteur de la tauromachie, par l’intermédiaire de la Fédération portugaise de la tauromachie, a présenté au gouvernement et à sa tutelle un ensemble de 21 mesures de soutien qui, pour la plupart, sont absolument surréalistes. Ils se plaignent, sur leurs sites Internet et dans leurs forums privés, d’être, je cite, «marginalisés». Ils ont été scandalisés que le Premier ministre, le ministre de la Culture, le ministre de l’Économie et le ministre de la Santé aient rencontré une série d’agents culturels de toutes sortes et laissé la corrida de côté. Ils se plaignent que ni leurs missives, ni les demandes de rencontre ,’ont reçu la moindre réponse.
Bien sûr, la culture doit être soutenue par l’État, cela ne fait aucun doute. Sans culture, il n’y a pas de pays. En dehors de toutes les richesses qu’elle nous apporte, même en ces temps difficiles, si nous y réfléchissons, ce qui nous a aidés à mieux vivre tous les jours n’a été que la culture, dans ses divers aspects. Personne ne peut nier ce fait.
Dans tous les domaines liés à la culture, des milliers d’employés et d’hommes d’affaires aux fonctions diverses ne sont pas en mesure d’exercer leurs activités. Bien que la «culture» ait déjà été définie de plus de deux cents façons différentes, il est très courant de trouver – que ce soit en anthropologie, en philosophie et / ou dans d’autres sciences sociales – l’idée qu’elle a un caractère dynamique et évolutif.
Le gouvernement n’a pas l’intention d’apporter un soutien particulier à la corrida
Et voici que ce mercredi 20 mai, le silence du gouvernement a été rompu. Le Premier ministre a clairement déclaré que le gouvernement « n’avait pas l’intention d’apporter un soutien particulier à cette activité« , se référant à la corrida. Nous espérons, donc.
La corrida n’a rien de civique et ne représente en aucun cas un progrès. C’est une pratique qui ne devrait pas avoir lieu de nos jours, car elle est basée uniquement et exclusivement sur la violence. Aujourd’hui, avec tout ce que nous savons sur la sensibilité des animaux, dans ce cas les bovins et les chevaux, il n’est pas acceptable pour la majorité de la population que cette activité continue ainsi et, pire encore, soit soutenue avec de l’argent public.
Désespéré par le manque de réponses, le secteur s’est tourné vers les groupes parlementaires. Certains groupes et certains parlementaires en particulier, quel que soit le groupe, leur ont prêté attention. Qui sont-ils et pourquoi l’ont-ils fait ? Certaines de ces personnes sont elles-mêmes des aficionados et / ou ont des intérêts personnels dans ladite industrie. Comme on peut le voir dans certaines interventions récemment faites au Parlement, il n’y a pas d’objectivité, il n’y a aucune idée que l’on ne peut pas comparer la corrida à toute autre forme de culture, car, en fait, il n’existe aucune comparaison. La corrida traite de l’humiliation, de l’assujettissement, du sang et de la mort, là où les autres formes de culture parlent de la beauté, de la création, de la croissance intellectuelle et morale, du progrès civilisationnel. Les traditions des sociétés ne sont pas et ne devraient pas être des concepts étanches. Si tel était le cas, même aujourd’hui, nous aurions, avec l’excuse de la tradition, des pratiques horribles et des attaques contre les droits de l’homme les plus fondamentaux.
Si ce secteur prétend être marginalisé, c’est parce qu’il est en fait en marge de la Culture. Il ne fait pas partie d’une culture positive qui nourrit les gens. Nous parlons du type d’activité culturelle qui est dépassé et qui, comme tant de traditions culturelles du passé, doit être aboli. Cela remonte à un temps où ne savait pas ce que cela signifiait. Il est maintenant temps de reconvertir cette activité et de ne pas céder à un petit groupe de passionnés. Parce que c’est cela la tauromachie, ce qu’ils appellent fièrement l’afición.
Rita Silva
Article original en portugais : Publico.pt
Adaptation en français : RL
Rita Silva est membre du Comité d’honneur de No Corrida.