Le 26 septembre 2017, nous révélions que le Président du tribunal de commerce de Béziers avait récemment engagé une procédure de sauvegarde à l’encontre de la SAS du plateau de Valras, la société de Robert Margé en charge de l’organisation des sévices graves et actes de cruauté érigés en spectacle au sein de la cité biterroise.
Comme expliqué à l’époque, il s’agit d’une sorte de sursis accordé à une société se trouvant en grande difficulté. Après une période d’observation de six mois (renouvelable une fois), le tribunal de commerce juge si ladite société est apte à poursuivre ou non son activité.
Qu’en est-il à ce jour de l’entreprise de Monsieur Margé ? Nous allons voir que le ciel est très, très loin d’être bleu azur…
Chouette, des bénéfices !
Bien que fervents adversaires de la barbarie des arènes, il est de notre devoir de rester un minimum objectif et de ne pas tout peindre en noir au simple motif que Monsieur Margé en est, lui, un adepte.
Saluons donc son exercice 2017 qui a permis de renouer avec des résultats positifs puisque la SAS du plateau de Valras affiche un bénéfice de 21 854 €. Nous ne saurons pas comment s’est précisément formé ce bénéfice puisque, depuis que Monsieur Margé sait que nous nous intéressons à ses comptes, il prend bien soin de ne déposer au greffe que le strict minimum légal. Étrange, lui qui préfère de très loin le faste à la discrétion.
Après la perte de près d’un demi-million d’euros réalisée en 2016, il s’agit là d’une performance exceptionnelle.
Les mauvaises langues diront qu’à ce rythme et qu’au vu de l’état déplorable des pertes cumulées (461 622 €), il va falloir pas moins de 21 années consécutives afin de les combler.
Après tout, pourquoi pas ? Eh bien parce que d’une part, la torturomachie aura disparu depuis bien longtemps. Et, d’autre part, parce qu’il y a de fortes chances que Monsieur le juge fasse très bientôt entendre le clap de fin.
Messieurs les créanciers, croisez les doigts
En effet, comme indiqué précédemment, une procédure de sauvegarde est ouverte depuis le 13 septembre 2017, à l’initiative du tribunal de commerce de Béziers qui a jugé utile de nommer un mandataire judiciaire.
Après une période d’observation de neuf mois, un état des créances a été déposé au greffe le 12 juin 2018. Cet état est censé reprendre l’ensemble des dettes nées avant le lancement de la procédure de sauvegarde.
Le juge en charge du dossier peut alors statuer en faveur de la mise en place d’un plan de remboursement s’il estime que la société présente toutes les garanties pour respecter les échéances de remboursement qui s’étalent sur une période maximale de dix ans. Sans quoi, l’option du redressement judiciaire ou de la liquidation judiciaire est enclenchée.
Avec un passif affiché d’un million d’euros, les échéances risquent d’être lourdes.
Un commissaire aux comptes qui prépare sa défense
Quelle sera donc la suite donnée à ce dépôt d’état des créances ? Nous l’ignorons. Cependant, il y a un individu qui la voit plutôt d’un mauvais œil et qui semble penser que la situation commence à sentir très fortement le soufre. Cet individu est ni plus ni moins que le commissaire aux comptes de la société.
Pour rappel, ce dernier a pour mission de réaliser un audit afin de vérifier que les comptes annuels établis présentent un degré de régularité et de sincérité conforme aux normes légales.
Le rapport relatif à 2017 a été établi le 28 juin 2018, soit seize jours après le dépôt d’état des créances dont il avait, par conséquent, pleinement connaissance.
Depuis plusieurs années, le rapport dudit commissaire aux comptes ne dépasse jamais les deux pages. Pour l’exercice 2017, ce n’est pas moins de quatre pages où l’auteur ne cesse de rappeler les limites de sa responsabilité vis-à-vis des agissements de la société.
Nous vous livrons quelques-uns de ces passages avec les commentaires qu’ils suscitent :
Nous avons réalisé notre mission d’audit dans le respect des règles d’indépendance qui nous sont applicables, sur la période du 1er janvier 2017 à la date d’émission de notre rapport, et notamment nous n’avons pas fourni de services interdits par le code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes.
Pourquoi le commissaire aux comptes se sent-il soudain obligé d’indiquer qu’il n’a pas fourni de services interdits qui le rendraient complice de falsification des comptes annuels ?
En application de la loi, nous vous signalons que les informations relatives aux délais de paiement prévues à l’article D.441-4 du code de commerce, pris en application de l’article L.441-6-1 dudit code, ne sont pas mentionnées dans le rapport de gestion.
En fait, cette obligation légale n’est pas respectée par la SAS du plateau de Valras depuis plusieurs années, sans que cela n’ait gêné le commissaire aux comptes jusqu’ici. Étrangement, ce rappel à la loi intervient deux semaines après le dépôt d’un état de créances où le tribunal va s’intéresser aux délais de paiement…
Il appartient à la direction d’établir des comptes annuels présentant une image fidèle conformément aux règles et principes comptables français ainsi que de mettre en place le contrôle interne qu’elle estime nécessaire à l’établissement des comptes annuels ne comportant pas d’anomalies significatives, que celles-ci proviennent de fraudes ou résultent d’erreurs.
Tout de suite les gros mots ! Comme si le monde de la tauromachie s’adonnait à de la fraude, notamment fiscale…
Lors de l’établissement des comptes annuels, il incombe à la direction d’évaluer la capacité de la société à poursuivre son exploitation, de présenter dans ces comptes, le cas échéant, les informations nécessaires relatives à la continuité d’exploitation […] sauf s’il est prévu de liquider la société ou de cesser son activité.
Monsieur le commissaire aux comptes disposerait-il d’une information exclusive sur une prochaine cessation d’activité, ou a-t-il des doutes sérieux quant à l’avenir proche de son client ?
Notre objectif est d’obtenir l’assurance raisonnable que les comptes annuels pris dans leur ensemble ne comportent pas d’anomalies significatives […] Les anomalies peuvent provenir de fraudes ou résulter d’erreurs.
Décidément, c’est une fixation !
Comme précisé par l’article L 823-10-1 du code de commerce, notre mission de certification des comptes ne consiste pas à garantir la viabilité ou la qualité de la gestion de votre société.
Formule à l’élégance rare pour signifier que la société auditée est gérée n’importe comment et que ça sent drôlement le sapin pour elle.
Et comme l’ensemble de ces remarques ne semblent pas suffisantes pour dédouaner leur auteur, s’ensuit une pleine page de la description détaillée des responsabilités du commissaire aux comptes. Comprenez les limites de ces responsabilités.
Plus que jamais, l’épilogue de cette supercherie sur fond d’effusion de sang n’a jamais été aussi proche.
David Joly
Trésorier de la FLAC et de No Corrida