« Tout ce que je voyais n’était qu’une boucherie »

fillette corrida 2C’est la fin de matinée de ce samedi 22 septembre 2018 et nous n’avons pas encore terminé l’installation du stand pour cette seconde édition de Naturellement Vegan à Saint-Etienne. Le coup d’envoi doit être donné à midi. Au milieu de nos préparatifs se présente une jeune femme accompagnée de ses deux petites filles.

Ses yeux vifs volent des affiches aux articles et c’est sur un ton ferme qu’elle nous assène : « Alors là, je suis totalement contre. Je suis espagnole et j’ai honte de la corrida. » En effet, elle porte au cou une chaînette à laquelle est accrochée une médaille aux contours de l’Espagne. Elle achète un tee-shirt et un bracelet pendant que ses filles commentent les affiches. Elles connaissent, elles savent. Leur maman confirme en ponctuant leurs propos : « Vous voyez, c’est ce que je vous ai expliqué. » Elle a mis un point d’honneur à les informer, à les mettre en garde.

Christelle, c’est son prénom, est pour le moment pressée par ses obligations mais nous demande si elle peut revenir l’après-midi pour aider à tenir le stand. Nous sommes bien sûr partants et dès lors, elle ajoute que si cela peut servir, elle nous offre son témoignage.

« J’avais 12 ans quand mon père m’a emmenée voir une corrida. Nous étions à Tarragone d’où ma famille est originaire. J’aime profondément l’Espagne. Mon père m’avait dit que tout bon espagnol se devait d’aller voir une corrida au moins une fois dans sa vie, que c’était notre culture, notre folklore.

J’y suis donc allée et je me souviens de tout. Nous étions assis au troisième rang dans les gradins. Au moment de la pique(1), je n’ai pas vu grand chose de ce qui se passait dans le ruedo(2) mais j’ai compris au moment des banderilles. Ce fut immédiat, un déclic. Je me suis levée et j’ai demandé en hurlant ce qu’il y avait de beau là-dedans, j’ai crié que tout ce que je voyais n’était qu’une boucherie. J’ai dit à mon père que plus jamais je ne mettrais les pieds dans un endroit pareil et j’ai tenu parole. C’était l’incompréhension et la nausée.

Aujourd’hui, je dénonce la corrida tant que je peux. J’en ai parlé à mes filles pour leur apprendre à respecter la vie et à traiter les animaux convenablement. Aussi parce que ce souvenir, toujours à vif, fait partie de mon histoire et que je ne veux pas que, comme moi, elles se retrouvent un jour à assister à une corrida. Je veux qu’elles connaissent la réalité, au-delà du folklore. »

Christelle Caparros
Saint-Etienne

Propos recueillis par No Corrida et la FLAC

(1) Premier tercio d’une corrida qui en comporte trois. Le premier tercio fait intervenir le picador à cheval qui enfonce une pique dans le « morillo », entre les épaules et le cou. Au cours du deuxième tercio, des banderilles (harpons) sont planté sur l’animal. Le troisième tercio est celui au cours duquel l’épée est enfoncée jusqu’à la veine qui relie les poumons au cœur afin d’achever le taureau.

(2) Partie des arènes où se déroule la corrida.

Pour retrouver tous les témoignages que nous avons mis en ligne, cliquer ici : Témoignage