Le grand quotidien espagnol El Pais consacre un article à une vidéo de PACMA montrant la corrida du point de vue du taureau. Les images sont très dures, avec des gros plans sur le sang, les spasmes, le vomi, la bave, l’urine et les selles éjectés en raison de la douleur et de la peur. Mais ce qui frappe le plus est le regard désespéré du bovin.
La vidéo commence par une phrase de Juan Belmonte, considéré comme le père de la corrida moderne : « Quand un taureau charge sur un présumé ennemi, il se contente de tourner autour et repart se mettre à l’abri dans sa querencia (lieu où il se sent en sécurité) ».
Le film, intitulé Tauromaquia, montre pendant 28 minutes des scènes qui ont toutes été tournées pendant des corridas. Elles sont accompagnées de citations littéraires, sans aucun témoignage ni opinion de militants du bien-être animal ou d’experts de la corrida. Il n’y a pas de caméra cachée, rien qui ne peut être vu directement lors d’une corrida ordinaire.
Attention, images éprouvantes
Les scènes s’enchaînent selon le rituel normal d’une corrida : le tercio de pique, le tercio de banderilles, le tercio de mise à mort. Pourtant, cela ne ressemble en rien aux reportages sur des corridas tels qu’ils sont habituellement diffusés sur la télévision espagnole.
Le réalisateur, Jaime Alekos, explique : « Les images ne sont pas celles que vous voyez à la télé et pourtant elles sont réelles. Tout dépend vers quoi vous pointez la caméra. » Le but a été de « faire un portrait du taureau en tant qu’être sensible. »
C’est également Jaime Alekos qui a réalisé la vidéo de PACMA montrant une becerrada à Valmojado (Tolède). On y voit des habitants de la commune « se battre » contre un bébé veau si jeune qu’il n’arrive pas encore à coordonner ses pattes et qui tombe à genoux lorsqu’il essaie de courir. Ce documentaire a soulevé une vague d’indignation contre la maltraitance subie, y compris dans un éditorial de El Pais.
Dans sa nouvelle vidéo, il montre que le taureau n’est pas un monstre d’une demi-tonne présentant un risque de mort, mais « une créature qui ne comprend pas ce qui lui arrive, qui se sent piégée à l’instant où elle pénètre dans l’arène et dont la seule envie est d’échapper à la douleur et à la peur« .
Jaime Alekos a participé à sa première action anticorrida en 2014. Il venait pour filmer un saut dans une arène qui a finalement été annulé. Mais, étant sur les gradins, il a filmé ce qui se passait sur le sable. « Quand j’ai vu les images de retour chez moi, je me suis rendu compte que je m’étais instinctivement focalisé sur le taureau, présent dans chaque image. J’ai vu plein de choses que je n’avais jamais remarquées auparavant. Jusque-là, toutes mes références à la corrida étaient artistiques, anthropologiques, folkloriques. Il m’a semblé évident qu’il y avait là une autre histoire à raconter. » Il a passé les trois années suivantes à aller voir des corridas.
Comme le reconnait Alberto de Jesus, directeur d’un site procorrida et ancien banderillero : « Ce qui se passe dans une arène peut toujours être vu de deux façons différentes. Un jour, j’ai emmené un ami voir une corrida avec José Tomas. En sortant, j’étais en extase et lui il était horrifié. Moi, j’ai vu l’art et lui, il a vu le sang. »
Les aficionados prétendent qu’ils n’aiment pas voir un taureau souffrir, qu’il veut seulement se battre. Pas sûr qu’ils aiment ce film montrant de façon si évidente la souffrance de l’animal. C’est là toute la clé. Comme le dit Alekos : « La question n’est pas de savoir si la corrida est un art ou pas. Le seul débat qui ait un sens, au 21e siècle, est celui de la légalité d’organiser des spectacles dans lesquels la souffrance et la mort d’un animal sont un élément indispensable à leur déroulement. »
Source : El Pais
Adaptation en français : RL