Les surprenantes données officielles de la tauromachie espagnole en 2015

Comment un secteur dont l’activité décroit en permanence pourrait-il voir un accroissement du nombre de professionnels qui y travaillent ? Ce non-sens industriel est exactement ce qui s’est produit en Espagne en 2015 pour la tauromachie. Toutes les données présentées ici proviennent du Ministère de la Culture espagnol, et ont été analysées dans un remarquable article de José Enrique Zaldivar, président d’AVATMA, pour le quotidien El Diario.

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Arènes à moitié vides à Benidorm en 2016 (photo AVATMA)

De 2007 à 2015, le nombre annuel de spectacles tauromachiques a chuté de 52,5%, ce qui correspond à 1915 corridas de moins. Cela inclut toutes les formes de tauromachie, à commencer par les corridas standards. Pourtant, le nombre de professionnels de la tauromachie a augmenté durant la même période de 29,5%, ce qui représente 3084 personnes de plus en huit ans.

En ce qui concerne les matadors, 820 étaient connus comme tels en 2015, mais seulement 175 ont pratiqué des corridas, ce qui représente environ 21% d’entre eux. Sur les 401 rejoneadors enregistrés comme professionnels en 2015, seulement 64 ont été en activité (16% d’entre eux). Quant aux novilleros, ils étaient 3083 enregistrés, dont seulement 114 sont intervenus dans des novilladas (3,7%).

La somme totale des animaux torturés et tués lors de ces diverses variantes est de 5013 pour l’année 2015. Cela n’inclut pas le nombre bien plus grand de ceux morts pendant les entraînements.

L’analyse des groupes d’âges fournis par les statistiques officielles révèle un fait surprenant : 12% des toreros et 4,2% des rejoneadors ont plus de 65 ans et 14,5% des novilleros ont plus de 45 ans (alors que ces derniers sont supposés être l’avenir de la tauromachie en devenant matadors). De même, 13% des banderilleros et 17% des picadors ont plus de 65 ans.

Sur 1341 ganaderias (élevages de taureaux destinés aux corridas), seulement 307 ont vendu au moins un animal pour une corrida en Espagne, soit 22,9%, ce qui veut dire que 77,1% d’entre elles n’en ont vendu aucun.

En Espagne, il y a 1727 arènes fixes ou démontables. Mais, au cours de 2015, seulement 425 de ces arènes ont été utilisées pour des corridas.

En ce qui concerne les fêtes populaires, nous avons développé une statistique intéressante qui peut répondre à cette question: si les festivités en place ont diminué de 52% dans l’historique 2.007 à 2.015 comment est-il possible que les fêtes populaires augmentent 75 % sur la même période?

Il est intéressant de reprendre les principaux chiffres depuis 2003. Le nombre de corridas par an (toutes variantes confondues) est le suivant :

2003 : 1947
2004: 1912
2005: 1947
2006: 1989
2007: 3651. Cette hausse spectaculaire est due au fait que, dans les années précédentes, certains types de corridas tels que les becerradas et les novilladas sans picadors n’étaient pas comptabilisées.
2008: 3295. Le début du déclin…
2009: 2694
2010: 2422
2011: 2290
2012: 1997
2013: 1858
2014: 1868
2015: 1736.

Comparons maintenant les résultats de chaque type de corridas entre 2007 et 2015.

2007 2015 Variation
Corridas 953 394 -59%
Novilladas avec picadors 572 232 -63%
Novilladas sans picadors 572 304 -47%
Rejones avec taureaux 196 69 -65%
Rejones avec des veaux 272 115 -58%
Rejones mixtes 13 77 +60%(*)
Corridas mixtes 238 135 -44%
Festivals taurins 339 228 -33%
Becerradas (veaux de moins de 2 ans) 260 178 -46%
Comique taurin 117 4 -96%

Comme on peut le voir, à l’exception des courses mixtes de rejon (*), qui n’intéressent que très peu d’aficionados, tous les types de courses de taureaux ont fortement diminué.

Et pourtant, dans le même temps, le nombre de professionnels du secteur a, lui, fortement augmenté :

2014 2015 Variation
Toreros 801 820 +19
Rejoneadors 397 401 +5
Novilleros 3018 3083 +65
Banderilleros 2155 2179 +24
Picadors 710 714 +4
Toreros comiques 175 176 +1
Porteurs d’épée 2938 3018 +80

Nombre total de professionnels enregistrés entre 2007 et 2015 :

2007: 7397
2008: 7830
2009: 8301
2010: 8631
2011: 9293
2012: 9562
2013: 9835
2014: 10194
2015: 10481

2007 2015 Variation
Toreros 637 820 +23%
Rejoneadors 319 401 +21%
Novilleros 2351 3083 +24%
Banderilleros 1810 2179 +17%
Picadors 579 714 +19%
Toreros comiques 128 176 +28%
Porteurs d’épées 1573 3018 +48%

Les augmentations les plus fortes correspondent aux emplois les moins bien payés payés (comme les porteurs d’épée) ou dont le nombre de spectacles est en chute libre (par exemple, les galas « comico-taurins » sont passés de 117 en 2007 à 4 en 2015).

Les premiers chiffres disponibles pour la saison qui va se terminer montrent que toutes ces tendances seront confirmées en 2016.

L’industrie de la tauromachie en Espagne bénéficie de privilèges financiers auxquels les autres secteurs d’activité n’ont pas droit. De nombreuses fraudes, dettes abyssales et subventions occultes ont été dévoilées. Certains cas se sont terminés devant les tribunaux. le monde de la tauromachie espagnole est en réalité en très mauvaise santé financière et l’argent qui est brassé est capté par un tout petit nombre de personnes – peu de toreros, peu d’organisateurs, peu d’éleveurs. Certains monopolisent tout ce qui est possible en étant à la fois organisateurs, éleveurs et même toreros. Cela leur permet d’embaucher parfois leurs propres toreros et d’acheter leurs propres taureaux grâce à des sociétés qui appartiennent aux mêmes personnes, prenant au passage toutes sortes d’aides de façon totalement frauduleuse.

Remerciements à José Enrique Zaldivar pour les informations contenues dans cet article.