ONU, mineurs et corridas

onu-crc-2

Le Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies s’est prononcé contre l’accès des mineurs aux corridas en France

Les premiers à devoir être protégés des corridas sont bien sûr les taureaux. Mais les corridas étant des spectacles violents (« sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux » selon le Code pénal français), au souci de protection des animaux s’ajoute le souci de la protection de la jeunesse.

D’une façon générale, il est légitime de redouter chez le jeune spectateur de corridas les conséquences suivantes :

– Des effets traumatiques, car certains enfants vont être heurtés par le sang, la souffrance et la mort, et pourront d’autant moins en faire part que leur entourage adulte déniera le caractère traumatisant du spectacle.

– Une accoutumance à la violence, en cas d’exposition répétée à la violence réelle de ces spectacles « vivants ».

– Une fragilisation du sens moral et des valeurs, car on apprend aux enfants, dans les écoles et dans les familles, que la violence est condamnable et qu’on ne doit pas faire souffrir les autres êtres, mais à côté de cela la violence gratuite peut être légitimée, voire glorifiée, au nom de vertus esthétiques ou de traditions culturelles. Notre société est en train de repenser  en profondeur les rapports de l’homme avec les animaux et avec la nature, et on présente à des enfants le spectacle d’hommes tourmentant un animal jusqu’à la mort.

Il va de soi que ces réflexions s’appliquent à plus forte raison à l’entraînement à la pratique de la corrida, notamment dans le cadre de ce qu’on appelle les « écoles taurines ». En France, deux de ces écoles sont à Nîmes (Centre Français de Tauromachie et Centre de Tauromachie de Nîmes), une à Arles (École taurine d’Arles), une à Béziers (École Taurine Béziers-Méditerranée), et une à Cauna dans les Landes (Adour Aficion).

Les spectacles taurins du sud de la France sont volontiers gratuits pour les enfants. Le but est de renouveler le public en espérant générer chez certains cette fascination pour le sang et la mort qui caractérise les aficionados.

Par exemple, durant la féria de Dax en août 2016, les moins de 17 ans auront gratuitement accès aux novilladas (corridas sur taurillons).

En Amérique latine, un certain nombre de mesures réglementaires, législatives ou  judiciaires empêchent l’accès des enfants et des adolescents aux corridas, à l’échelon national (Équateur) ou régional (Venezuela, Mexique).

A l’échelon international, les droits les mineurs sont notamment protégés par la Convention internationale des droits de l’enfant.

Le contrôle de la mise en oeuvre des différentes conventions internationales de l’ONU ayant trait aux droits de l’homme est confié à neuf comités (et un sous-comité) dits « organes de traité ».

Le Comité des Droits de l’Enfant (ou Committee on the Rights of the Child, « CRC ») est l’organe officiellement chargé de vérifier l’application de la CIDE (Convention internationale des droits de l’enfant), laquelle est une convention juridiquement contraignante pour les États parties depuis 1990. Il est constitué de 18 experts indépendants élus par les État parties.

Le terme « enfant » y désigne les mineurs.

En février 2014, le CRC s’était prononcé contre l’entraînement et la participation des mineurs à la tauromachie, ainsi que leur présence en tant que spectateurs, à propos du Portugal.  En février 2015, c’était le tour de la Colombie. En juin 2015, c’était le tour du Mexique.

Et au terme de sa 71e Session en  janvier 2016, le CRC a rendu des conclusions semblables à propos du Pérou et de la France.

Ses conclusions concernant la France à propos de la corrida sont les suivantes (en anglais à ce jour), dans la section « Violence envers les enfants » :

« Le Comité est également préoccupé par […] le bien-être physique et mental et le développement des enfants exposés à la violence, y compris […] dans certaines manifestations comme la corrida. […]

Il  recommande aussi à l’État partie […] d’accroître les efforts pour changer les traditions et les pratiques violentes qui vont à l’encontre du bien-être des enfants, ceci incluant l’interdiction de l’accès des enfants aux corridas et aux manifestations associées. »

Le Comité des Droits de l’Enfant est donc cohérent dans ses conclusions : depuis 2014, sur les huit pays de la planète pratiquant la corrida, le Comité a expressément demandé à cinq d’entre eux de tenir les enfants à l’écart.

Remercions la Fondation Franz Weber, organisation suisse dédiée à la protection des animaux et de la nature, qui a pris le temps de fournir des informations au Comité des Droits de l’Enfant en vue de contribuer à documenter ses conclusions.

Il appartient dorénavant à l’État français de montrer qu’il est respectueux de ses engagements en matière de droits de l’homme.

Et il appartient à Unicef-France, l’association qui s’est donnée pour rôle de représenter l’UNICEF International et de promouvoir la Convention internationale des droits de l’enfant en France, d’appuyer clairement cette recommandation du CRC auprès des instances gouvernementales et des collectivités territoriales.

Jean-Paul Richier
Collectif PROTEC (Protégeons les enfants des corridas)