Dans tous les groupes sociaux, les guéguerres intestines sont courantes. Personne n’est épargné, même lorsqu’il s’agit de défendre les causes les plus nobles, depuis les ONG qui viennent au secours de l’enfance en péril (lire à ce sujet l’excellent roman « ONG » de Iegor Gran, une fiction que la réalité égale souvent), jusqu’aux organisations écologistes (l’exemple de Greenpeace et Sea Shepherd est le plus connu) en passant par les partis politiques, sans parler du petit monde que nous connaissons le mieux, celui de la protection animale (inutile de citer des noms, il suffit d’aller traîner sur le champ de bataille permanent qu’est Facebook pour se faire rapidement une idée).
Avouons-le, quand ce genre de règlements de comptes se produit publiquement chez nos adversaires, ça nous fait sourire et même, parfois, rire. Voici deux exemples d’aficionados purs et durs qui s’en prennent frontalement à deux figures emblématiques de leur camp : André Viard et Simon Casas.
« Ce type est fou. Il nous mène à notre perte »
On se souvient qu’André Viard s’est mis à dos une large partie de ceux à qui il doit sa gloire éphémère en fanfaronnant sur Twitter en pleine vague d’unité nationale et d’émotion mondiale trois jours après la tuerie qui a frappé l’équipe de Charlie Hebdo : « Charlie est le journal le plus violent qui a existé en France. Par exemple, son oeuvre anti-taurine. Je ne suis pas Charlie. » Comme tous ses (ex) « amis » lui tombaient dessus et demandaient rien moins que sa tête, il rétro-pédalait avec une maladresse qui n’avait d’égal que sa stupidité (ou vice-versa).
Venant de lui, ce genre de délire nauséabond ne datait pas de la veille. Dans une note mise en ligne sur un blog taurin en 2010, on peut trouver une analyse tranchée, assortie d’une prédiction remarquable : « Ce type est fou ! Il nous mène à notre perte. Mais il est craint. On craint paraît-il sa capacité de nuisance. Obnubilé par des préoccupations commerciales et de com, on sacrifie l’honneur et l’éthique qui obligeraient tout honnête homme à sa mise à l’écart. Décidément, si la corrida crève, le mundillo, ce petit monde des compromissions les plus honteuses, l’aura bien cherché, et je dirai, bien mérité… Quel dérapage, quelle connerie irrémédiable faudra t-il encore endurer avant qu’on vire ce pitre qui fait du tort à l’aficion ? »
Et, de fait, par la suite, les dérapages et les conneries, il les a enchaînés en allant à chaque fois plus loin dans l’innommable. Même le plus cinglant des anti-corrida n’aurait pas rêvé meilleure analyse venant d’un pro-corrida, à part peut-être de remplacer « si la corrida crève » par « quand la corrida crèvera » . Rien à redire en revanche sur « le mundillo, ce petit monde des compromissions les plus honteuses » et sur le portrait qui est fait de ce personnage.
« On en reparlera quand tu paieras en liquide »
Encore plus acéré est l’article consacré le 22 mars dernier à Simon Casas par l’auteur du blog Campos y Ruedos. Qu’on ne s’y trompe pas, ce monsieur n’est pas un tendre, il aime que ça saigne, non seulement les taureaux mais aussi les chevaux (il trouve ça « pittoresque », à l’instar d’ Hemingway). Quand il dézingue Casas, sa verve est tout aussi impitoyable.
Sous la forme d’un conte, il décrit son goût prononcé pour l’argent. Et si possible de l’argent occulte, celui pour lequel la question du taux de TVA ne se pose pas, celui qui circule en liquide pour terminer dans ses poches jamais suffisamment remplies. Après avoir ironisé sur la participation de Casas à un machin annoncé comme prestigieux et planétaire (le FIT, Fusion Internationale pour la Tauromachie, rien que ça) avant de s’en barrer une semaine plus tard, l’auteur multiplie les allusions à l’avidité et la roublardise du gourou des corridas nîmoises : » Va payer ton abono et reviens vite » , « On en reparlera quand tu paieras en liquide » et tutti quanti.
Avec des amis comme ça, Viard et Casas n’ont même plus le temps de s’occuper de leurs ennemis. Dommage pour eux, on n’a aucune intention de les lâcher.
Roger Lahana