Casas, grand spécialiste des bilans tordus

Ça y est, ils sont enfin disponibles. Les comptes de la société de Simon Casas n’ont rien à envier aux plus grandes rock stars : ils savent aussi bien qu’elles se faire longuement attendre afin de démultiplier l’effet de liesse lorsqu’ils apparaissent.

À part que la dernière chose dont Simon Casas a envie dans cet exercice, c’est d’attirer l’œil du public et de l’administration fiscale. Non, lui préfère alors, et pour une fois, la discrétion au faste et à l’exubérance. Qui plus est encore sur ces comptes de l’année 2017 car, comme nous allons le voir, ils n’ont rien à envier à leurs prédécesseurs en termes de cuisine comptable et fiscale.

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Presque un an d’attente

Commençons par rappeler le cadre légal de la validation des comptes annuels d’une société : ces derniers doivent être approuvés lors d’une assemblée générale qui se tient au plus tard six mois après la date de clôture de l’exercice. S’en suit un dépôt au greffe du tribunal de commerce dont dépend la société au maximum 30 jours après la date d’assemblée.

Les comptes de la société Simon Casas production auraient donc dû, en théorie, être approuvés au plus tard le 30 juin 2018 et déposés au greffe avant le 31 juillet. Cependant, Simon Casas a sollicité un délai supplémentaire auprès du greffe du tribunal de commerce de Nîmes au motif de certaines difficultés rencontrées dans la production de ces comptes.

Délai accordé par le greffe dont la tradition locale ininterrompue est de laisser Simon Casas faire tout ce que bon lui semble, au plus grand mépris du Code de commerce. C’est ainsi que, au cours des 11 dernières années, Simon Casas n’a pas déposé les comptes de la SARL Simon Casas Services, une autre de ses sociétés, à 10 reprises, sans que le greffe ne trouve rien à redire et n’applique aucune sanction. Les comptes de l’exercice 2017 ont donc été enregistrés le… 14 décembre 2018. Autrement dit, à quelques jours près, ils étaient déposés alors que l’exercice suivant était déjà fini.

Des comptes erronés les années précédentes

Lorsque l’on prend connaissance de ces comptes, on se dit que la corrida a trouvé un second souffle (et même un troisième) au sein de la capitale gardoise. Rendez-vous compte : le chiffre d’affaires de la société Simon Casas production est passé de 4 millions d’euros en 2016 à 7,2 millions en 2017, soit une progression de 78 % !

À quoi est due cette performance économique hors norme ? À un intérêt soudain pour la corrida de la part de nombreux citoyens ? Aux talents de gestionnaire de Simon Casas ? Non, tout simplement au fait que les comptes 2017 englobent les données relatives à un établissement basé en Espagne.

Et c’est à partir de là que ça devient comique (ou tragique, c’est selon). L’annexe des comptes nous explique le pourquoi du comment et c’est d’une logique implacable. Extrait :

Depuis 2015, la SAS SIMON CASAS PRODUCTION détient un établissement stable dénommé SIMON CASAS PRODUCTION, SAS, SUCURSAL EN ESPANA, situé à Valence, en Espagne.
[…] Sur les exercices antérieurs, la situation comptable de l’établissement stable n’a pas été intégrée dans les comptes sociaux de SIMON CASAS PRODUCTION. Les règles comptables prévoient en effet de reprendre les mouvements passés tant au débit qu’au crédit du compte de résultat de l’établissement et les soldes des comptes du bilan de cet établissement, puis de les intégrer dans les comptes de résultat et le bilan en totalité, en éliminant les comptes réciproques (comptes de liaison) et les opérations internes.
Les comptes 2016 ont donc été corrigés afin d’ajouter les comptes de l’établissement stable aux comptes de SIMON CASAS PRODUCTION. L’impact de la correction d’erreurs a été comptabilisé en capitaux propres.
Traduction : les règles comptables prévoient qu’il faut intégrer les mouvements de l’établissement secondaire, et c’est la raison pour laquelle nous ne le faisions pas…

Le cabinet comptable de Simon Casas a donc rectifié le tir un an plus tard en intégrant 2016… mais pas 2015. Pourquoi donc, puisqu’il est stipulé noir sur blanc, comme nous venons de le voir, que l’établissement de Valence est détenu depuis 2015 ?

Peut-être parce les éléments de 2015 n’ont pas été déclarés en Espagne à l’époque et que l’on s’est dit que ce serait dommage de le faire maintenant en France, alors que fin 2018 on pourrait bénéficier de la prescription fiscale ? Bien sûr que non, quel mauvais esprit, ce n’est pas du tout le genre de Simon Casas…

Un écran de fumée

Qu’est-ce qui a décidé la société Simon Casas Production à se mettre en ordre de marche à compter de 2017 ? Un risque fiscal qui devenait trop grand ? Ou la volonté de masquer la chute de son activité en France qui s’accélère ?

Le rapport de gestion de l’exercice nous démontre en tout cas que l’année 2017 n’a fait que confirmer le déclin de cette non-tradition française qu’est la corrida. Car si l’on ne prend que le chiffre d’affaires réalisé en France, ce n’est plus une hausse de 78 % que l’on constate mais une nouvelle baisse de 14 %, après celle de 7 % déjà constatée en 2016.

Face à cette réalité qui se confirme d’année en année, n’importe quel dirigeant ferait profil bas. Mais pas Simon Casas qui n’hésite pas à écrire que l’année 2018 s’annonce favorablement et devrait permettre une progression de la fréquentation malgré la poursuite des mesures contraignantes des mesures liées à la sécurité.

Rappelons que les comptes 2017 ont été produits très tardivement et que le rapport de gestion a été rédigé en date du 25 octobre 2018. À cette date où les deux ferias annuelles habituelles ont eu lieu, Simon Casas est donc capable de dire que l’année 2018 s’annonce favorablement.

Un mois et demi plus tard, le Midi libre nous apprend que la municipalité constate un déclin de 20 % des entrées payantes sur cette même année 2018. Probablement un nouveau mensonge de journaleux anti-corrida destiné à ternir l’image de cette activité économique florissante ?

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-7 % en 2016, -14 % en 2017, -20 % en 2018, Simon Casas a raison, l’avenir s’annonce radieux !

En témoigne la situation financière de sa société, dans le rouge à hauteur de presque 100 000 € au 31/12/2017. Une situation financière qui s’avèrerait beaucoup plus catastrophique si Simon Casas ne pouvait bénéficier d’argent public bien frais (51 000 euros de subventions rien que pour l’année 2017).

Et qu’en pense le Commissaire aux comptes ?

Celui-ci commence par rappeler qu’à la date du 16 octobre 2018, il a établi un rapport dit « de carence » dans lequel est indiquée l’impossibilité de procéder à la vérification des comptes annuels et du rapport de gestion, ceux-ci n’ayant pas été établis dans les délais prévus par la loi.

Puis il précise que les éléments attendus lui ont été communiqués le 30 octobre 2018, ce qui lui a permis de délivrer un rapport de certification des comptes annuels le… 30 octobre 2018, soit le même jour que celui où il a eu connaissance des éléments à contrôler.

Le commissaire aux comptes a donc été capable de mettre en œuvre l’intégralité des diligences qui lui incombent, d’arriver à la conclusion que les comptes annuels sont réguliers et sincères, et de rédiger son rapport, en moins d’un jour ouvré : une performance digne du Guinness des records, qui plus est sur une structure disposant d’un établissement à l’étranger.

À moins qu’il s’agisse de la preuve d’une légèreté et d’un manque de rigueur. Car après tout, le même « professionnel » avait déjà estimé que l’on disposait, au titre de l’année 2016, de comptes réguliers, sincères et donnant une image fidèle de l’entreprise. Des comptes tellement réguliers et sincères qu’il y manquait la bagatelle de 270 000 € provenant d’Espagne et réincorporés de ce fait en 2017.

Comme dirait Simon Casas, tout cela n’est pas bien grave, car la corrida a un bel avenir devant elle et l’année 2019 s’annonce à coup sûr plus que favorable (ce qui, en langage d’entrepreneur aficionado, veut probablement dire autour de -25 % d’entrées si on a bien suivi la progression des années précédentes).

C’est ce que nous aurons certainement le plaisir de constater lorsque nous prendrons connaissance de ses comptes 2019… si ces derniers sont déposés un jour. Car après tout, qu’est-ce qui obligerait Simon Casas à le faire ? Certainement pas l’irresponsabilité du greffier de Nîmes qui l’encourage depuis plus de dix ans à s’asseoir sur la loi et le Code de commerce.

David Joly
Trésorier FLAC et No Corrida

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