Le Conseil municipal de La Corogne (Espagne) a lancé le processus de résiliation du contrat visant à suspendre la feria taurine qui a eu lieu dans cette ville au cours des vingt dernières années. Il s’agit de l’une des premières mesures adoptées par le gouvernement municipal de Xulio Ferreiro (Marea Atlantica), respectant ainsi l’un des points inclus dans son programme électoral. La feria enregistrait de très mauvais chiffres de fréquentation et sa rentabilité dépendait principalement de subventions publiques, directes ou indirectes, de 2,2 millions d’euros reçus du Conseil municipal au cours des deux décennies précédentes. Sans ces subventions, les corridas à La Corogne ne sont pas viables comme cela a pu être démontré.
La coentreprise formée par Tomás Entero Martín et Tauro Siglo XXI, concessionnaire de la feria, a fait appel de la décision devant les tribunaux, puisqu’il restait encore un an avant la fin du contrat signé par l’administration municipale précédente. Elle mentionne aussi dans son recours la loi 18/2013 qui confère à la tauromachie le statut de « patrimoine culturel immatériel », faisant valoir que cette considération empêcherait le gouvernement local de résilier le contrat « pour des raisons d’intérêt public« .
Toutefois, la Cour administrative de La Corogne a reconnu le droit du conseil municipal de mettre fin au contrat et a rejeté l’argument de l’entreprise relatif au « statut privilégié de la tauromachie sur les manifestations culturelles, qui imposent à toutes les administrations publiques le devoir d’entreprendre des politiques actives pour la promotion de la tauromachie« . La décision, qui peut constituer une jurisprudence lorsqu’une prétendue protection de la tauromachie est invoquée en tant que bien culturel, souligne l’autonomie des administrations locales pour décider de programmer ou non des spectacles de tauromachie.
L’avis reconnaît à l’ancien concessionnaire de la foire tauromachique le droit de percevoir un dédommagement de fin du contrat, évalué à 10% du chiffre d’affaires sur la base de l’année précédente. Dans cette feria, seulement un tiers des billets avait été vendu, pour un montant d’environ 140 000 euros. En outre, l’entreprise peut recevoir une petite compensation en tant que «dommage émergent». Le total est très loin des montants réclamés par l’entreprise tauromachique qui demandait « 306 632,50 euros de dédommagement et 61 326,50 euros de manque à gagner par an« . Au moment de la résiliation, le Conseil municipal avait déjà calculé qu’il devrait payer à l’entreprise 10% de la valeur du contrat. La célébration de la feria taurine en été 2015 aurait entraîné un déboursement approximatif de 60 000 euros pour la commune.
Ce jugement remet en question les implications pratiques du caractère de « bien immatériel culturel » de la tauromachie décrété par le Parti populaire en 2013 et le droit d’une administration de décider de programmer ou non des spectacles de tauromachie. La Cour constitutionnelle 177/2016 a en effet déclaré inconstitutionnelle l’interdiction de la corrida en Catalogne, une annulation de la loi catalane qui a eu lieu pour une raison purement juridictionnelle et non de droits fondamentaux.
Ainsi, bien que la Loi 18/2013 indique le devoir de l’Administration générale de l’Etat de « garantir la conservation et la promotion de la tauromachie comme patrimoine culturel pour tous les Espagnols, ainsi que de protéger le droit de chacun à leur connaissance, accès et libre exercice dans ses diverses manifestations« , le jugement de la Cour constitutionnelle a souligné qu’il n’est pas raisonnable de supposer que cela impose un devoir de maintenir inconditionnellement une interprétation qui tend à conserver toutes les manifestations inhérentes à des spectacles traditionnels, comme la tauromachie, sans prendre en compte d’autres intérêts et droits protégés et d’autres valeurs culturelles, parfois contradictoires, qui doivent également être correctement pesés. Le juge conclut que, dans le cadre de cette autonomie garantie, il est possible de résilier un tel contrat, puisque cet acte n’empêche en aucune manière l’exercice par l’administration générale de l’Etat de la concurrence en la matière.
Cette décision de La Corogne est semblable à celle émise le 13 Décembre 2017 par la Cour supérieure du Pays Basque, en termes similaires, qui a reconnu le droit du gouvernement municipal de Saint-Sébastien de ne pas inclure les corridas dans ses festivités, en optant par d’autres programmes, et a rejeté la thèse selon laquelle «l’exclusion implique une interdiction».
En résumé, la décision vient reconnaître à nouveau le droit des administrations publiques – en l’occurrence des municipalités – de ne pas programmer de spectacles de tauromachie, sans que cette décision ne viole la protection invoquée de la corrida, et rejette que ces administrations soient obligées de promouvoir en tout temps les activités liées à la tauromachie.
Article original (en espagnol) : La justicia avala la decisión de A Coruña de poner fin a las corridas de toros (El Diario)
Adaptation en français : RL