La proposition d’interdiction des corridas en présence de moins de 16 ans a été rejetée par le Sénat

Publié le par le Protec

La chambre haute de la nation, à une écrasante majorité, a décidé le 14 novembre 2024 qu’il ne fallait surtout pas interdire aux moins de 16 ans d’assister ou de participer à des « sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux« 

► Dans un premier temps, le 6 novembre, la commission de lois, organe chargé de donner un avis ou d’amender les initiatives législatives avant la séance publique, avait rejeté le texte.
Nous ne commenterons pas le rapport de la commission des lois. Ceux qui connaissent le sujet peuvent se faire une opinion en le consultant.

► La proposition de loi (PPL) comportait deux articles :
. l’un se référant à l’art. 521-1 du Code pénal, ayant trait au fait d’exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique,
. et le second se référant à l’art. 522-1, ayant trait au fait de donner volontairement la mort sans nécessité à un animal domestique.
Deux amendements avaient été déposés en vue de la séance publique, afin de supprimer ces articles. Ils ont tous les deux été adoptés.

La suppression de l’article 1, qui était le vote déterminant, a été adoptée par 82 % des sénateurs qui se sont prononcés.

► Ce chiffre évoque les résultats des enquêtes d’opinions portant sur l’avis des Français quant à l’interdiction des corridas aux mineurs.
A ceci près qu’il s’agit des chiffres inversés !

L’IFOP a réalisé ces dix dernières années plusieurs enquêtes sur l’interdiction aux moins de 14 ans pour l’Alliance Anticorrida : une en 2015, une 2017, qui portait sur les départements taurins, une en 2021. Il y a toujours au minimum 80% des Français qui y sont favorables. Et ceci quelle que soit leur région, quelle que soit la taille de leur agglomération, et qu’il y ait ou non des corridas dans leurs départements.
Et l’IFOP a réalisé en 2019 pour la FBB une enquête portant sur 1500 Français sur l’interdiction aux moins de 16 ans, âge retenu par la PPL. Elle montrait que dans les départements « taurins » (= où se pratiquent encore les corridas), 80 % des répondants y étaient favorables.

Les Français ont bien sûr beaucoup d’autres préoccupations que la question de l’accès des mineurs aux corridas. Mais il s’agit là d’une question qui peut symboliser le fossé entre les citoyens et le monde politique, et donc hélas leur défiance envers celui-ci.

► Donc la chambre haute de la nation française a mis sous le paillasson la recommandation de 2016 du Comité des Droits de l’Enfant à la France « de redoubler d’efforts pour faire évoluer les traditions et les pratiques violentes qui ont un effet préjudiciable sur le bien-être des enfants, et notamment d’interdire l’accès des enfants aux spectacles de tauromachie ou à des spectacles apparentés. »

Un sénateur LR a eu la franchise de déclarer à quelques minutes de la fin de séance : « les positions de l’ONU ne sont pas l’alpha et l’omega de ce que nous devons décider en France« .
De même que les recommandations du Comité chargé de vérifier la mise en œuvre de la CEDAW (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes) ne sont pas l’alpha et l’omega dans certains autres pays, où il ne saurait être question de toucher à certaines traditions de leurs territoires…

Il faut dire que l’association Unicef-France, censée représenter l’UNICEF en France, n’a pas bougé le petit doigt, bien qu’avertie de cette PPL qui pouvait enfin amorcer une concrétisation de cette recommandation du Comité des Droits de l’Enfant.

► Pour ceux qui voudraient savoir quelles ont été les positions des sénateurs de leur département, on peut consulter les résultats du scrutin :
. pour l’amendement de suppression de l’article 1,
. pour l’amendement de suppression de l’article 2,
. ainsi que pour l’amendement du groupe EST (Écologiste – Solidarité et Territoires) visant à interdire de façon explicite les formations des écoles taurines aux moins de 16 ans (NB : cette disposition était implicitement incluse dans le texte de la PPL).

BREF
Soyons francs : ceux qui connaissent le Sénat savaient que cette issue était parfaitement prévisible, même s’ils s’étaient employés à soutenir cette proposition de loi.
En tout cas, nous continueront à agir pour que les mineurs soient tenus à l’écart des corridas tant que celles-ci existeront sur notre sol.