Ces jours-ci, la remontée en puissance de poussées procorrida se généralise dans les rangs des politiques à l’approche des législatives et avec la nomination du nouveau gouvernement.
Un candidat procorrida investi par EELV aux législatives
Commençons par la prise de position scandaleuse d’EELV dont nous avons abondamment parlé ces derniers jours avec la nomination de Nicolas Cadène, candidat procorrida qui se présentera donc à Nîmes puisque son investiture a été confirmée par le Bureau exécutif du parti, avec une large majorité (9 voix pour son investiture dont celles de Julien Bayou et de Sandra Regol, 5 contre, 1 abstention), ce qui ne fait que redoubler la honte de cette compromission éthique hallucinante. Voilà qui nous rappelle douloureusement la présence d’un banderillero sur la liste EELV aux municipales de Nîmes en 2014. Finalement, rien ne change dans ce parti. Encore une exception nous dira-t-on. Mais lorsqu’il y a des exceptions à chaque fois qu’une occasion se présente d’en faire une par pur opportunisme politique, est-ce qu’on peut continuer à parler d’exception ? Ou est-ce un détestable comportement récurrent de compromission ?
Sollicité de toutes parts, Bayou répond en boucle que Cadène a changé et qu’il s’engage désormais contre la corrida. Vraiment ? Peut-on nous citer une seule déclaration publique de ce personnage où il dirait : « J’ai décidé de m’engager contre la corrida » ? La seule chose qu’il a dite et dont la direction d’EELV fait mine hypocritement de se contenter, c’est que, le moment venu, il votera comme l’ensemble du groupe EELV à l’Assemblée s’il est élu. C’est ce qui s’appelle botter en touche, en ne prononçant surtout pas le mot « corrida ».
Un enfumage grossier pour faire croire qu’il est devenu anticorrida
Du coup, Cadène s’est mis à signer à tour de bras des chartes de mouvements de protection animale pour montrer son « évolution », comme celle de LPO par exemple. A peu près tout sauf le manifeste de la FLAC demandant l’interdiction d’accès des mineurs aux corridas en attentant que celles-ci soient abolies. Même Aymeric Caron s’est laissé berné par cet enfumage grossier. Et même un certain nombre d’autres responsables EELV qui se disent qu’après tout, l’important est d’avoir le plus grand groupe possible à l’Assemblée même si cela suppose des entorses à leur charte demandant l’abolition des corridas.
Doit-on rappeler qu’André Viard, président de l’Observatoire des Cultures Taurines et à ce titre lobbyiste en chef des procorrida, dit qu’il aime les animaux ? Quel rapport avec le sort atroce des taureaux qui sont envoyés dans une arène pour agoniser pendant les vingt dernières minutes de leur vie ? C’est Viard, interrogé par Guillaume Meurice sur la corrida il y a quelques années, qui l’avait traité de fou furieux lorsque ce dernier lui avait demandé s’il trouverait normal de transpercer des chats avec des aiguilles à tricoter. Barbarie sur des chats, sans aucun doute, alors pourquoi pas barbarie sur des taureaux avec des lances, des harpons, des épées et des poignards ?
Le PS et le PCF ouvertement engagés pour la corrida et la chasse
Et ça continue au sein de la NUPES, dont on espérait un positionnement clair contre les corridas puisque cela figure des les livrets thématiques de LFI et dans la charte d’EELV (dont on vient de voir à quel point elle ne vaut rien). De fait, la NUPES s’engage clairement en faveur du bien-être animal sur tout un ensemble de sujets, grâce au travail remarquable réalisé par les groupes Condition Animale tant de LFI que d’EELV :
Programme partagé de gouvernement de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale
Le programme partagé de gouvernement ici présenté est le fruit d’un travail collectif associant plusieurs organisations politiques, sur la base de programmes eux-mêmes élaborés en associant des milliers de citoyennes et citoyens, acteurs associatifs, syndicaux, environnementaux, politiques.
Rompre avec la maltraitance animale
- Interdire les fermes-usines
- Limiter les temps de transport des animaux vivants
- Interdire les pratiques cruelles : poules et lapins en batterie, broyage des poussins, ablation de la queue, etc.
- Interdire tous les élevages de production de fourrure, immédiatement pour les élevages de visons
- Déterminer de nouvelles normes pour améliorer les conditions d’élevage : accès à l’air libre, pâturage, densité, surface minimale, et organiser progressivement la sortie de l’élevage en cage avant la fin du quinquennat, avec l’accompagnement financier nécessaire
- Orienter la recherche vers des méthodes substitutives et éthiques qui permettront de ne plus expérimenter sur les animaux
- Interdire les pratiques de chasse et de « loisirs » cruelles pour les animaux (déterrage, chasses à courre, corrida, combats de coqs, spectacles incluant des animaux sauvages, etc.)
- Instaurer des jours sans chasse les week-ends, les jours fériés et durant les vacances scolaires
Magnifique ! On applaudit !
Seulement voilà… Précision écrite apportée par le PS et le PCF : « Le Parti socialiste et le Parti communiste français ne soutiendront pas les propositions relatives à la chasse et à la corrida. »
Avouons-le, cela ne nous surprend pas vraiment de la part du PCF, certainement le parti le plus rétrograde de tout le paysage politique français lorsqu’il s’agit de bien-être animal. Pourtant, le parti communiste espagnol, pays d’où est originaire la corrida pour les indécrottables aficionados français totalement incultes qui continuent à parler de tradition française, a montré une bravoure exceptionnelle en demandant l’abolition de la corrida à l’époque du franquisme naissant, avant d’en subir les foudres impitoyables (que la corrida soit aimée des franquistes a été une évidence, étant donné leur adulation de la suprématie cruelle des humains sur les autres humains et sur les animaux non humains). Voici donc le PCF héritier indigne du franquisme sur ce sujet ? Cela fait désordre – mais pas plus, finalement, qu’un candidat procorrida chez EELV.
On espérait un peu mieux du PS, certes naïvement, surtout quand on regarde à nouveau vers l’Espagne avec la magnifique évolution du PS espagnol (PSOE) depuis quelques années, devenu résolument engagé contre la corrida. De toute évidence, le mot « évolution » ne semble pas faire partie du vocabulaire du PS français dès lors qu’il s’agit de la pire des cruautés habillée en spectacle, la corrida.
Et un gouvernement où les procorrida s’installent
Aucune lueur d’espoir ne va venir non plus du nouveau gouvernement mis en place récemment. Parmi les reconduits, Eric Dupont-Moretti, toujours ministre de la Justice, farouche défenseur de la cruauté envers les animaux, que ce soit en tant que fervent soutien (et pratiquant) de la chasse ou en tant qu’aficionado convaincu jusqu’au bout des ongles. Parmi les nouveaux entrants, Damien Abad, aficionado connu de longue date par les mouvements anticorrida, qui, interpellé récemment par l’Alliance Anticorrida, a répondu : « Je suis POUR la corrida, merci de ne plus me contacter, je ne changerai point d’avis« . Rappelons qu’il a été nommé ministre des Solidarités et des personnes handicapées. Nul doute qu’avec lui, les hypocrites et scandaleuses corridas dites « de bienfaisance » vont se multiplier avec sa bénédiction béate. Ajoutons Marc Fesneau à l’agriculture, pro-chasse comme tous ses prédécesseurs et chasseur lui-même. La liste n’est probablement pas terminée.
Et à leur tête, un président qui affirme depuis des années sa passion pour la chasse.
Pour paraphraser Shakespeare, il y a quelque chose de pourri au royaume des politiques quand il s’agit d’offrir une vie meilleure aux animaux. Décidément des jours bien sombres s’annoncent pour eux. Voilà au moins un sujet sur lequel les politiques de tous les bords s’unissent sans faillir depuis des décennies : la sauvegarde de la corrida en pleine décomposition partout ailleurs.
Nous ne baissons pas les bras pour autant. Bien au contraire, voilà qui ne fait que faire redoubler notre détermination à agir pour un monde meilleur pour nos cousins animaux. Ce qui commence par l’abolition des corridas que RIEN ne justifie et qui subsiste malgré une large majorité de Français qui veulent leur abolition, mais à cause d’une aussi large majorité de politiques qui s’accrochent à sa survie par clientélisme, volonté de domination brutale, perversion ou autres bas instincts inavouables.
Roger Lahana