Voici quelque jours encore, Jean-Baptiste Jalabert, ex-torero et directeur des arènes, désirait en raison de la situation sanitaire refaire à Pâques « une feria responsable » – eh oui, excusez-le, il confond toujours corridas et feria – comme en septembre dernier… à savoir arènes à moitié pleines – en fait elles ont été aux trois-quarts vides, puisque 11000 spectateurs seulement sont venus assister à quatre spectacles, avec des toreros et manadiers acceptant d’être moins payés.
Il semble ne pas avoir été suivi par le maire De Carolis qui a préféré reporter la feria en juin.
Pourquoi ? Peut-être car les hôteliers, restaurants, cafés et autres commerçants qui avaient signé la « charte de la Ville » et sa « feria responsable » avaient fait remonter leurs doléances. En effet, l’Office du tourisme avait noté une baisse de 60% de la fréquentation. Polices municipale et nationale, gendarmerie et pompiers avaient évoqué « une activité très faible » par rapport à une feria « normale ». Évidemment qu’en pleine crise sanitaire, ça ne se pressait pas trop au portillon. Alors qu’en juin prochain, l’espoir est que la situation sur ce front se sera améliorée (rien n’est moins sûr, cela dit). De fait, lors de notre manifestation anticorrida à l’époque, nous avions eu l’heureuse surprise de voir à quel point le nombre d’aficionados était considérablement plus bas que d’ordinaire.
Est-ce aussi car les autorités se souviennent que Lola Jalabert – co-directrice des arènes avec son frère – avait affirmé mensongèrement : « tout s’est bien passé dans les gradins, où le port du masque et les distances de sécurité ont été respectés ». Nous avions adressé à ces autorités photos et vidéos prouvant qu’il n’en était rien, de façon flagrante.
Pour Jean-Baptiste Jalabert, un jour férié de moins se traduit par : « Nous sacrifions une corrida, cela veut dire renoncer à un éleveur qui en a besoin , ainsi qu’à trois toreros. » Eh bien, pour nous, ce sont 6 taureaux sauvés.
Et de continuer : « Il n’y aura pas non plus la grande course camarguaise prévue en ouverture« . Il était certain que c’était la course camarguaise qui allait être sacrifiée. Les traditions camarguaises n’ont jamais été importantes dans cette famille, sauf… quand elles peuvent leur apporter un intérêt quelconque.
Mais Patrick de Carolis, maire et aficionado notoire, affirme : « On ne doit rien lâcher, la feria c’est notre culture, notre économie« . Il salue « le travail que nous faisons, main dans la main, avec Lola et Jean-Baptiste Jalabert à la direction des arènes. Ils ont revu la date et les cartels, et très sincèrement, on ne sera pas déçus. » Nous y voilà : comme l’écrit la chroniqueuse taurine de La Provence et grande aficionada : « L’élu, comme les directeurs des arènes, ont vite perçu la nécessité de changer la date et reporter en juin. «
De Carolis enchaîne : » Notre but est que les Arlésiens reprennent possession, en juin pour la Feria, de la rue, et pas simplement avec des spectacles dans les arènes. » Tiens tiens … « En septembre nous avons fait en sorte qu’ait lieu la Feria responsable, mais on a bien vu que ce n’est pas pareil sans l’esprit convivial. Nous n’avons pas voulu reproduire le schéma de la Feria responsable qui n’était pas une vraie Feria. […] Nous avons tous très envie de nous retrouver avec des bars, des restaurants ouverts, des terrasses accueillantes. Notre but est que les Arlésiens reprennent possession, en juin pour la Feria, de la rue, et pas simplement avec des spectacles dans les arènes. » Ben oui, forcément, puisque, comme chaque fois, les corridas attirent infiniment moins de monde que les ferias – on insiste, ce n’est pas la même chose. Donc quand il y a « simplement des spectacles dans les arènes« , c’est le grand désert, il va falloir un jour ou l’autre qu’ils finissent par le reconnaître. Ce sont les animations de rue qui attirent du monde, pas les massacres dans les arènes.
D’ailleurs, Jalabert dans une autre interview avoue : « Avec la crise économique, la tauromachie va être mal en point, mais pas plus qu’avant la crise sanitaire« . On ne le lui fait pas dire : avant la crise sanitaire, la tauromachie allait déjà très mal, et pendant, elle ira tout aussi mal, c’est-à-dire avec une activité proche de zéro et, dans tous les cas, très insuffisante financièrement pour que tout le monde s’en sorte, surtout après une année quasi blanche en 2020.
Y aurait-il une dissension entre Jalabert et de Carolis ? Ou le maire veut-il simplement caresser dans le sens du poil les acteurs économiques de la ville ?
Dominique Arizmendi