La fin de l’année 2019 était attendue avec impatience par tous les fans de Star Wars. En effet, était programmée en décembre la sortie de l’ultime épisode de cette saga qui s’est étalée sur plus de 40 ans : l’ascension de Skywalker. Toutes proportions gardées, il existait le même genre d’impatience quant au dépôt des comptes annuels 2018 de la société Simon Casas production, après l’aspect tordu et la tambouille qu’affichaient les comptes 2017.
L’avantage pour les fans de Star Wars, c’est que, eux au moins, disposaient d’une date précise de sortie. Parce qu’avec Simon Casas, voilà plusieurs années que les délais légaux de dépôt des comptes sont bafoués, et ce de façon de plus en plus flagrante, avec systématiquement le consentement du greffier du tribunal de commerce de Nîmes (nous y reviendrons un peu plus bas).
C’est ainsi que l’on pensait voir le dépôt des comptes 2018 se réaliser à quelques jours de la fin de l’année 2019, à l’image de ce qui s’était passé un an auparavant. Eh bien non, ce dépôt a eu lieu précisément le 28 janvier 2020. Nous sommes donc arrivés à un stade où Simon Casas dépose les comptes concernant un exercice comptable de sa société après que l’exercice suivant soit terminé ! Qu’est-ce qui explique un tel retard dans les dépôts des comptes ? Personnellement, nous n’identifions que deux possibilités : soit le cabinet comptable de Simon Casas a un niveau de compétence plus que pitoyable, soit les dirigeants de la société disposent en bonne et due forme des comptes dans les délais impartis mais s’assoient délibérément sur les obligations légales qui leur incombent. Chacun se fera son opinion.
Un renouement avec les pertes
En 2017 la SAS Simon Casas production avait pu afficher un confortable bénéfice de 229 000 €, notamment en intégrant au sein de sa comptabilité les 119 000 € de gains issus des UTE (unions temporaires d’entreprise) dont elle fait partie en Espagne et qui n’avaient jamais été pris en compte jusque-là, sans que cela gêne le moins du monde ni l’expert-comptable, ni le commissaire aux comptes de la société qui, durant toutes ces années d’oubli, a attesté que les comptes présentés étaient fiables et sincères.
Le problème pour Casas, c’est que la tauromachie ne connaît pas un meilleur sort en Espagne qu’en France, sa chute y étant même beaucoup plus rapide. Résultat en 2018 : là où les UTE lui avaient permis d’embellir son résultat de 119 000 € un an auparavant, cette fois-ci elles le plombent de 117 000 €.
C’est ainsi qu’à la clôture de l’exercice 2018, la SAS Simon Casas production affiche une perte de 61 000 €.
Et encore, si la société n’avait pas bénéficié d’un crédit d’impôt (autrement dit d’un chèque de l’Etat) de 40 000 € et de subventions (apparemment d’origine espagnole) de 48 000 €, le gouffre s’établissait à près de 150 000 €.
Casas, samaritain dans l’âme ?
Faisons cependant preuve d’honnêteté dans l’analyse de ces comptes (ou du moins des informations encore disponibles, Simon Casas prenant soin de mettre à disposition de moins en moins de détails depuis qu’il sait que nous en avons systématiquement connaissance) : le résultat d’exploitation de la société (c’est-à-dire la performance économique strictement issue de l’activité habituelle) ferait pâlir d’envie nombre d’entrepreneurs puisqu’il s’établit à 251 000 €.
Qu’est-ce qui explique donc, qu’au final, l’on se retrouve avec une perte de 60 000 € ?
- Les résultats pitoyables des UTE évoqués précédemment.
- Mais aussi, et surtout, une charge exceptionnelle de l’ordre de 177 000 €. Quelle est donc la nature de cette charge ? En consultant l’annexe des comptes, celle-ci est identifiée sous la dénomination « Dons Valencia » sans autre explication, malgré l’importance de la somme.
Casas aurait-il fait un don à la commune espagnole de Valence ? Ou faut-il y voir un lien avec la collaboration évoquée début 2018 par Toril TV entre Simon Casas et Ramón Valencia, président de la empresa Pagés de Séville ? Dès lors, un tel don est-il déductible ? Est-ce lui qui est à l’origine du crédit d’impôt de 40 000 € susmentionné ? La tradition locale ininterrompue d’opacité des comptes nous empêche d’en savoir plus.
Toujours moins de spectateurs, toujours plus de recettes
Dans un article en date du 17 décembre 2018 que nous avons déjà évoqué par le passé, le Midi Libre soulignait la nouvelle baisse de fréquentation des arènes constatée durant l’année qui venait de s’écouler. Là où on enregistrait 95 000 entrées payantes pour l’ensemble des séances de torture tauromachique en 2015, ce n’est plus que 75 000 en 2018.
Cette baisse d’affluence se traduisait logiquement dans les comptes de la SAS Simon Casas production, son chiffre d’affaire ayant diminué de 7 % en 2016, puis de nouveau de 14 % en 2017.
Dans cette logique, on aurait dû de nouveau constater une baisse du chiffre d’affaires en 2018. Or, c’est tout l’inverse : selon le rapport d’activité relatif à l’établissement principal qui gère les arènes de Nîmes, le chiffre d’affaires « français » a connu une progression de près de 7 %, pour s’établir à 3,7 millions d’euros.
Simon Casas aurait-il fait flamber les prix des places afin de plus que compenser l’effondrement des entrées constatées ? Ou alors existe-t-il au sein du chiffre d’affaires d’autres ressources que celles issues des guichets mais qu’il est de bon ton de noyer parmi ces dernières ?
Le bon taux de TVA est-il toujours appliqué ?
Un dernier élément présent (ou plutôt absent) dans l’annexe interpelle et nous fait poser cette question : Simon Casas a-t-il décidé de ne plus respecter, de nouveau, la position officielle des textes fiscaux qui spécifient clairement que les corridas ne peuvent à aucun moment bénéficier du taux réduit de TVA ?
Nous ne reviendrons pas sur l’ensemble de cette histoire rocambolesque où Simon Casas s’était, depuis 2011, auto-octroyé le droit d’appliquer une TVA au taux de 5,5 % sur les recettes issues des corridas qu’il organisait, ayant détourné ainsi pas moins de 2 millions d’euros d’argent public.
L’épilogue de cette histoire a eu lieu en 2019 lorsque, comme le rapportait nos amis du COLBAC, le Conseil d’Etat mettait définitivement fin aux espoirs de Simon Casas de conserver la TVA détournée.
Malgré les décisions juridiques en sa défaveur qui se sont enchaînées, Simon Casas a toujours cru bon d’indiquer chaque année dans l’annexe des comptes de sa société que les recettes afférentes aux spectacles qu’elle organisait pouvaient bénéficier du taux réduit de TVA au titre de l’inscription en 2011 au patrimoine culturel immatériel de la corrida, inscription qui n’aura duré au final que quelques mois avant d’être retirée à l’époque devant le tollé général suscité.
Depuis 2015, Simon Casas prenait soin d’indiquer également que les recettes de l’exercice dont les comptes étaient déposés avaient été soumises au taux normal de TVA.
Or, pour 2018, la mention à la pseudo-possibilité de bénéficier du taux réduit existe toujours, mais celle à l’application du taux normal a disparu.
Faut-il comprendre que Simon Casas appliquerait de nouveau le taux réduit au mépris de la loi ?
Toujours est-il que si l’on reprend les recettes de l’exercice, que l’on part sur l’hypothèse qu’elles ont été effectivement soumises à un taux réduit et que l’on ramène le chiffre d’affaires sur la base d’un taux de TVA normal, ce n’est plus une hausse de 7 % que l’on constate mais une baisse de 6 %, ce qui est nettement plus en phase avec l’évolution des entrées constatée par le Midi Libre. Sans savoir s’il y a un lien de cause à effet, une provision pour risques de 45 000 € a été constatée en 2018.
Et le respect de la loi, c’est pour quand ?
Après une fraude à la TVA d’une telle ampleur, on pourrait supposer que Simon Casas est surveillé de près et que tout manquement à la loi, que ce soit dans le domaine fiscal ou dans celui du droit commercial, déboucherait sur une procédure de régularisation systématique.
Il n’en est absolument rien. C’est ainsi que Simon Casas a pris le pli depuis plusieurs années de déposer les comptes de la SAS Simon Casas production avec un retard de plus en plus prononcé.
Quant à sa société holding, Simon Casas services, les derniers comptes annuels enregistrés au greffe du tribunal de commerce de Nîmes remontent à… 2006. Soit douze années consécutives que cette société est hors la loi.
Rappelons ici que le Code pénal prévoit une amende de 1 500 € en cas de non-dépôt, portée à 3 000 € s’il s’agit d’une récidive. Dans le cas de Simon Casas, le non-respect de la loi depuis 2006 est donc sanctionnable à hauteur de 34 500 €.
Par ailleurs, le président du tribunal de commerce est censé émettre une injonction de déposer les comptes, qui peut déboucher sur l’ouverture d’une enquête menant potentiellement à une procédure d’alerte, voire à une liquidation judiciaire.
Douze ans que tout cela est possible. Douze ans que Simon Casas peut dormir sur ses deux oreilles.
L’article 1 de la Constitution française prévoit l’égalité de tous devant la loi. Il semblerait cependant que certains individus bénéficient d’une dispense de se présenter devant elle.
David Joly
Trésorier FLAC et No Corrida