Pampelune consultera ses habitants sur la possibilité de célébrer des fêtes de San Fermin sans corridas.
Que perdrait le monde si les taureaux cessaient de courir à Pampelune ? La Mairie de Pampelune, dirigée par EH Bildu, a lancé une enquête qui remet en question pour la première fois l’essence des San Fermin : les corridas, les courses de taureaux dans les rues et même la dévotion à San Fermín. Avec 1 300 habitants de Pampelune interrogés entre le 1er juin et le 5 juillet, ce sondage pourrait redéfinir une fête vieille de plusieurs siècles. Est-ce le début de la fin d’une tradition qui attire des millions de personnes… ou le début d’une ère plus compatissante ?
Chaque matin du 7 juillet, les rues de Pampelune vibrent d’un rituel ancestral : le tonnerre des sabots sur les pavés, le souffle rauque de six taureaux courageux poursuivis par des centaines de coureurs, l’odeur de la terre et de la sueur qui imprègne l’air. Mais cette année, ce rituel est en jeu. Joseba Asiron, maire de Pampelune pour EH Bildu, a lancé une enquête pour savoir si les gens « rejettent ou s’opposent aux corridas et aux courses de taureaux », ainsi qu’à la signification religieuse de la fête.
Les chiffres sont frappants mais révélateurs : les arènes de Pampelune, les deuxièmes plus grandes d’Espagne avec une capacité de 19 720 places, sont un symbole économique et social. Il appartient à la Maison de la Miséricorde, une institution qui gère une maison de retraite avec des revenus taurins. « Sans la tauromachie, il n’y aurait pas de ressources pour les personnes âgées », prévient le conseiller Juan José Echeverría (UPN), qui qualifie l’enquête de « bombe à retardement ». Mais derrière les chiffres, il y a de la souffrance. Aïda Gascón, directrice d’AnimaNaturalis en Espagne, n’en doute pas : « Chaque taureau qui tombe dans les arènes entraîne avec lui une vie de peur et de douleur. La course de taureaux est une course à mort, déguisée en folklore. »
Le débat n’est pas nouveau, mais il a désormais une dimension politique. EH Bildu, un parti historiquement critique à l’égard de la corrida, insiste sur le fait que l’enquête vise à « moderniser » les festivals. Cependant, des critiques comme Cristina Ibarrola (UPN) accusent la coalition de « sectarisme » : « Comment peut-on remettre en question San Fermín, dont la chapelle est remplie de fidèles chaque matin ? C’est comme effacer l’identité de Valence sans ses Fallas. »
Mais la tradition s’accroche à ses arguments. José Antonio Baigorri, éleveur navarrais, affirme : « La tauromachie emploie des milliers de personnes, des vétérinaires aux artisans. Et les gens nous soutiennent. » Aïda Gascón réfléchit : « Nous parlons d’êtres vivants, pas d’attractions touristiques. Dans les courses de taureaux, le bruit, la foule et la désorientation activent leur système de fuite. Ce n’est pas de la bravoure, c’est de la panique. »
Imaginer une fête de San Fermin sans taureaux semble une hérésie pour beaucoup, mais d’autres envisagent déjà des alternatives. En 2024, l’affiche officielle du festival a omis toute référence à la tauromachie pour la sixième fois en une décennie, donnant la priorité aux joueurs de cornemuse. « C’est un signe », déclare Rakel Arloj, présidente de la Fédération des clubs de supporters. « Les nouvelles générations demandent des options : des concerts, des défilés thématiques, des courses de taureaux symboliques avec des figurines en résine. »
Le juriste Miguel Izu, bien que sceptique, admet : « Si nous supprimions les corridas, il faudrait tout repenser. Mais une course de taureaux sans mort est possible : au Portugal, les taureaux sont lâchés dans les champs après la course. » En fait, des villes comme Tordesillas (Valladolid) ont remplacé la corrida de la Vega par des événements équestres, augmentant la fréquentation de 30 %.
AnimaNaturalis propose un modèle inspiré de la tauromachie catalane « correbous », où les taureaux ne sont pas abattus et les fonds sont reversés à des refuges pour animaux. « La transition exige du courage, mais Pampelune pourrait la mener », insiste Aïda Gascón. « Imaginez l’impact : une fête où l’excitation ne dépend pas de la souffrance. »
« Ce n’est pas seulement un combat pour les taureaux », conclut-elle. « C’est un appel à notre société pour qu’elle choisisse d’évoluer. Pampelune peut continuer à être magique… sans ensanglanter ses rues. »
Source : AnimaNaturalis
Adaptation en français : RL
Photo : EFE