Un article de la SNDA – Alors qu’il n’a jamais été aussi facile de vivre sans les « fruits » de leur exploitation, la situation des animaux ne cesse de se dégrader. Chaque jour, en France, trois millions d’animaux terrestres et des dizaines de millions d’animaux aquatiques sont tués pour l’alimentation humaine. Les animaux sont par ailleurs exploités pour le divertissement, les vêtements, la recherche, etc. Et quand ils ne sont pas assujettis par la domestication, leurs territoires sont détruits par les activités humaines. Au niveau mondial, entre 1970 et 2014, les populations d’animaux vertébrés – poissons, oiseaux, mammifères – ont chuté de 60 % , principalement à cause de la dégradation des habitats. Cette situation alarmante, dont les causes sont multiples, témoigne d’une culture fondée sur le mépris des animaux, « d’une humanité qui prend conscience d’elle-même en se construisant contre les animaux », pour reprendre les termes de la philosophe Florence Burgat.
Une lueur d’espoir se dégage pourtant ces dernières années. La sensibilité à la souffrance animale se développe dans la société, impulsée par un mouvement social qui vise à transformer en profondeur notre rapport aux animaux. Une contradiction émerge alors chez les citoyens : entre volonté de ne pas nuire aux animaux et volonté de conserver une alimentation carnée, le compromis est en effet impossible.
En voie de politisation, la question animale est confrontée à une nouvelle difficulté : les pouvoirs publics s’opposent à toute évolution de la législation. En témoigne le recours déposé par la LPO (Ligue pour la protection des oiseaux) en 2017 au Conseil d’Etat pour interdire la chasse à la glu, rejeté le 28 décembre 2018. Symptôme de l’opposition systématique de toute avancée en faveur des animaux qui caractérise l’action des pouvoirs publics, la décision du Conseil d’Etat n’est une surprise pour personne. Deux mois plus tôt, la loi sur l’agriculture et l’alimentation illustrait, une nouvelle fois, la frilosité, sinon le mépris, des décideurs politiques à l’égard de la cause animale. Alors qu’elle aurait pu constituer un progrès majeur pour le bien-être animal, la loi “EGalim” apparaît finalement comme une coquille vide. D’un côté, elle met en place des avancées on ne peut plus timides : la généralisation de la vidéosurveillance dans les abattoirs est écartée au profit d’une expérimentation basée sur le volontariat, tandis que l’abolition des élevages en cage pour poules pondeuses est exclue au profit d’une simple interdiction des nouvelles constructions ou rénovations. De l’autre, la loi du 30 octobre 2018 reporte le traitement de questions alarmantes telles que le broyage à vif des poussins et la dégradation des conditions de transport des animaux.
La liste des décisions prises pour maintenir le statu quo et faire entrave à toute évolution positive s’allonge ainsi, mois après mois, années après années.
Une inertie politique qui s’inscrit dans un contexte où paradoxalement il n’a jamais été aussi facile de construire une politique pour les animaux. Depuis le début du XXIè siècle, une partie grandissante des citoyens se préoccupe de la condition animale au point d’en faire une priorité. Alors que pour 80% des français (sondage IFOP/Collectif Animal Politique, 2017), elle constitue un enjeu important, la cause animale est plus que jamais une cause populaire. Les Français soutiendraient alors un gouvernement qui mettrait en place la fin des cages, du broyage des poussins, de la castration à vif ou encore l’abolition de la chasse à courre, de la corrida et des cirques avec animaux.
Le pouvoir rend-il aveugle à toute considération éthique pour les animaux au point de mépriser l’opinion publique ? On pourrait légitimement le penser lorsque François de Rugy, jusqu’alors plutôt un allié, agit contre les animaux quand il devient ministre, autorisant par dérogation la chasse de centaines de milliers d’oiseaux à la glu, à la matole, aux pantes. Mais, dira-t-on, François de Rugy, pas plus que ses prédécesseurs, n’a vraiment les mains libres pour agir avec conviction. Brigitte Bardot qualifiera d’ailleurs Nicolas Hulot de « trouillard de première classe » lorsque celui-ci lui avoua au téléphone le blocage de ses dossiers par l’Elysée. Cela dit, peut-on expliquer cette frilosité des ministres et des parlementaires de la majorité uniquement par le conservatisme du président ?
Au-delà du jeu politique, des facteurs institutionnels et culturels semblent également à considérer tels que la gestion d’établissements publics par les acteurs de l’exploitation animale (ONCFS, chambres d’agricultures…), la complicité historique entre le ministère de l’agriculture et le syndicat agricole majoritaire, la force organisationnelle des acteurs de la chasse, de la corrida et de l’élevage dont la stabilité historique et leur relative unité contrastent avec la jeunesse et l’atomisation des organisations animalistes, leur donnant par conséquent, une force de pression beaucoup plus importante.
Quelles qu’en soient ses causes, on ne peut alors que constater amèrement ce décalage saisissant entre l’évolution des mentalités et celle de la législation. Sur ce point aussi, la question animale et la question environnementale se ressemblent : une situation globale alarmante et un éveil des consciences qui ne se traduisent par aucune mesure politique à la hauteur des enjeux. C’est dans ce contexte qu’une pétition lancée en décembre par quatre ONG pour dénoncer l’inertie de l’Etat dans la lutte contre le réchauffement climatique a été signée par 1,9 millions de personnes en quelques jours.
La multiplication des projets inter-associatifs et le développement récent du lobbying animaliste impulsant un dynamisme inédit de quelques dizaines de parlementaires sur la question animale donnent néanmoins quelques raisons de rester optimiste quant à la voie institutionnelle. Par la création d’un groupe au sénat, par des propositions de lois, des amendements et des questions écrites au gouvernement, des députés et sénateurs de la majorité et de l’opposition travaillent, en effet, à faire évoluer la législation. Les prémisses, espérons-le, d’un changement de paradigme des pouvoirs publics en ce qui concerne la condition animale.
Un article de la SNDA
Avec l’aimable autorisation de Lucille Peget, que nous remercions.