Droit pénal et corrida

A quand remonte la prise en considération de la sensibilité des animaux en droit public dans le code pénal ?

Le 2 juillet 1850, une loi pénale consacre pour la première fois la protection animale : c’est la loi Grammont, du nom du général Jacques Delmas de Grammont également député. Sensible au sort des chevaux de guerre et, révolté par les scènes tristement banales de maltraitance dans les rues parisiennes, il veut faire punir toutes les formes de cruauté exercées envers les animaux, aussi bien chez les particuliers que sur la voie publique. Toutefois, la loi votée propose uniquement de sanctionner les mauvais traitements publics. Cela révèle une intention de protéger davantage la sensibilité humaine que l’intégrité des animaux. Il y a donc deux conditions : la publicité et l’abus.

Elle dispose ainsi :
« Seront punis d’une amende de cinq à quinze francs, et pourront l’être d’un à cinq jours de prison, ceux qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques. »

Introduite en France en 1853 par l’épouse espagnole de Napoléon III, Eugénie de Montijo, la corrida se pratique, et il faut attendre 1884 pour que le texte de loi soit appliqué aux corridas. Une première condamnation par la cour de cassation a lieu vers 1884. La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation le 16 février 1895 juge le taureau de combat comme animal domestique et le fait entrer dans le champ d’application de la loi. Un arrêt du 13 juin 1932 confirme cette décision, mais la pression populaire fait que la corrida est tolérée et se pratique illégalement jusqu’en 1951.

Le 21 avril 1951 est publiée la loi Ramarony-Sourbet qui complète la loi Grammont par un alinéa : « la présente loi n’est pas applicable aux courses de taureaux lorsqu’une tradition ininterrompue peut être invoquée. » et légalise la corrida.

Avec le décret Michelet du 7 septembre 1959, la loi Grammont est abrogée. Il supprime la condition de publicité d’application de mauvais traitements sur des animaux apprivoisés ou tenus en captivité. L’animal est alors protégé en raison des mauvais traitements exercés même par son propriétaire. Apparaît le fait de nécessité qui restreint le champ d’application du texte : « ceux qui auront exercé sans nécessité, publiquement ou non, de mauvais traitements envers un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité ».

La tradition ininterrompue devient tradition locale afin d’en limiter le rayonnement géographique : « les dispositions du présent numéro ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ».

Le 19 novembre 1963 est promulguée la loi créant le délit d’ actes de cruauté. Article 1 de la loi : l’article 453 du Code pénal est ainsi rédigé : « quiconque aura sans nécessité, publiquement ou non, commis un acte de cruauté envers un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité,sera puni d’un emprisonnement de 2 à 6 mois et d’une amende de 2000 à 6000 F ou de l’une des deux peines seulement. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ».

La loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature (art.13) ajoute les sévices graves aux actes de cruauté et crée un délit d’abandon sanctionné des mêmes peines. Codifiée à l’article 521-1 du Code pénal, l’infraction d’actes de cruauté et sévices graves sera étendue aux sévices sexuels par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004.

La loi du 29 juillet 1994 crée l’article 521-1 du Code pénal : « le fait sans nécessité, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé ou tenu en captivité est puni de six mois d’emprisonnement et de 50 000 F d’amende ».

La sanction s’étend à l’ abandon au dernier alinéa. Le Code pénal de 1994 entre en vigueur et succède à celui de 1810.

Evolution de l’article 521-1

Article 521-1 créé par Loi n°94-653 du 29 juillet 1994 – art. 9 JORF 30 juillet 1994

Le fait, sans nécessité, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de six mois d’emprisonnement et de 50 000 F d’amende.
En cas d’urgence ou de péril, le juge d’instruction peut décider de confier l’animal, jusqu’au jugement, à une oeuvre de protection animale déclarée.
En cas de condamnation du propriétaire de l’animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal peut décider de remettre l’animal à une oeuvre de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, laquelle pourra librement en disposer.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie.
Est punie des peines prévues au premier alinéa toute création d’un nouveau gallodrome.
Est également puni des mêmes peines l’abandon d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l’exception des animaux destinés au repeuplement.

La loi du 6 janvier 1999 alourdit les sanctions pour sévices graves et actes de cruauté qui passent à deux ans d’emprisonnement et 200 000 F d’amende, avec à titre de peine complémentaire, interdiction de détenir un animal à titre provisoire ou définitif. La suppression de « sans nécessité » élargit le champ d’application du texte.

Article 521-1 modifié par Loi n°99-5 du 6 janvier 1999 – art. 22 JORF 7 janvier 1999

Le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 200 000 F d’amende.
A titre de peine complémentaire, le tribunal peut interdire la détention d’un animal, à titre définitif ou non.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie.
Est punie des peines prévues au premier alinéa toute création d’un nouveau gallodrome.
Est également puni des mêmes peines l’abandon d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l’exception des animaux destinés au repeuplement.

Article 521-1 modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 – art. 3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002

Le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30000 euros d’amende.
A titre de peine complémentaire, le tribunal peut interdire la détention d’un animal, à titre définitif ou non.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie.
Est punie des peines prévues au premier alinéa toute création d’un nouveau gallodrome.
Est également puni des mêmes peines l’abandon d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l’exception des animaux destinés au repeuplement.
Sont ajoutés les sévices sexuels en 2004. Ils relèvent d’un délit passible de 2 ans de prison et de 30 000 euros d’amende (compétence du tribunal correctionnel)La corrida est dépénalisée à l’alinéa 3 de cet article :

Article 521-1 modifié par Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 – art. 50 JORF 10 mars 2004

Le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30000 euros d’amende.
A titre de peine complémentaire, le tribunal peut interdire la détention d’un animal, à titre définitif ou non.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie.
Est punie des peines prévues au premier alinéa toute création d’un nouveau gallodrome.
Est également puni des mêmes peines l’abandon d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l’exception des animaux destinés au repeuplement.

ARTICLE ACTUELLEMENT EN VIGUEUR

Article 521-1 modifié par Ordonnance n°2006-1224 du 5 octobre 2006 – art. 6 JORF 6 octobre 2006

Le fait, publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
En cas de condamnation du propriétaire de l’animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal statue sur le sort de l’animal, qu’il ait été ou non placé au cours de la procédure judiciaire. Le tribunal peut prononcer la confiscation de l’animal et prévoir qu’il sera remis à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, qui pourra librement en disposer.
Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires d’interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal et d’exercer, pour une durée de cinq ans au plus, une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction. Cette interdiction n’est toutefois pas applicable à l’exercice d’un mandat électif ou de responsabilités syndicales.
Les personnes morales, déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, encourent les peines suivantes :
– l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal ;
– les peines prévues aux 2°, 4°, 7°, 8° et 9° de l’article 131-39 du code pénal.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie.
Est punie des peines prévues au présent article toute création d’un nouveau gallodrome.
Est également puni des mêmes peines l’abandon d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l’exception des animaux destinés au repeuplement.

La corrida est dépénalisée à l’alinéa 7.

Chantal Girot
Présidente Défense Animale Belfort – D.A.B.
Directrice des relation publiques et politiques No Corrida