Le lundi 1er juillet 2019, s’est tenu au Tribunal de Grande Instance de La Rochelle le procès du bourreau de Miette, petit Jack Russel de 2 ans.
Le soir du 29 avril, Monsieur De Sousa promène son petit chien, Miette. Miette s’enfuit et est percuté par une voiture dont personne ne sait rien. Un automobiliste le voit qui gît sur la chaussée. Il s’arrête et appelle immédiatement Marie-Claire Penot, présidente du refuge oléronais. Sur l’île, la nuit, il n’y a aucun service vétérinaire et les autochtones connaissent Marie-Claire qui prend en charge ces situations. Celle-ci prend immédiatement son véhicule pour se rendre sur les lieux et conduire l’animal à Rochefort. Un service vétérinaire de garde y est en place.
Pendant ce temps, Jullian Mercier, passager du véhicule que conduit sa compagne arrive sur les lieux de l’accident. Ni une ni deux, il bondit hors de la voiture et invective l’automobiliste déjà sur place, au motif connu de lui seul que celui-ci aurait renversé Miette. Il ne laisse pas l’homme lui exposer la situation et extirpe manu militari une batte de base-ball du coffre de la voiture. Miette est blessé mais conscient, le témoin, en état de sidération, assiste alors à une scène délirante : Jullian Mercier assène des coups sur le petit chien à terre arguant qu’il doit « finir le boulot ». Estimant que c’est chose faite, il remonte dans la voiture et celle-ci démarre. Le « boulot » laisse à désirer : Miette est toujours vivant, il décèdera quelques minutes plus tard. Marie-Claire Penot arrive sur les lieux et le témoin lui raconte la scène. C’est elle qui contactera la famille de Miette et lui apprendra les derniers instants de son petit compagnon.
De « Je t’aime… moi non plus » à la toute puissance du néant
C’est ainsi que pourrait se résumer le discours de Jullian Mercier à la barre. Déclinant sa situation familiale, il se dit célibataire tout en précisant la phrase suivante qu’il vit en concubinage et que sa compagne est enceinte de 4 mois. La présidente lui demande de lister le contenu du coffre de la voiture, outre la sinistre batte de base-ball, il répond qu’il y avait des cartons de disque et un gant. Puis plus tard, il précisera qu’il y avait une balle (pour jouer au base-ball, c’est mieux), et puis non, finalement, il n’y en avait pas.
Le procès a débuté depuis quelques minutes et les questions du tribunal à Jullian Mercier semblent l’irriter dangereusement. Il s’énerve, regarde de haut, répond vertement. Là où l’humilité serait gage d’une saine prise de conscience, il affiche un ton arrogant, un regard hautain et une mine narquoise. Il a raison. Point. Il dit pourtant qu’il regrette et qu’il a mal agit mais réaffirme dans la même phrase que ce qu’il a fait était la meilleure solution. Il en profite pour mettre en cause l’action du témoin qui a appelé les secours et qui, selon lui, « n’a rien fait ». Il se fait recadrer : il s’agit de son procès à lui. De même, lorsque la présidente lui demande de quel droit il s’est permis d’ôter la vie à ce chien, il répond qu’il n’en avait en effet pas le droit, tout en invectivant le témoin et en affirmant qu’il est le seul à avoir apporté une réponse satisfaisante. D’après lui, le chien n’était pas soignable– il prend toutefois soin de préciser qu’il n’est pas vétérinaire, et donc qu’il ne peut pas connaitre l’état des blessures de Miette. Il convenait toutefois d’abréger ses souffrances. L’instant d’après il indique que Miette était déjà mort.
Le tribunal s’agace. Si Miette était simplement blessé, seul un vétérinaire pouvait évaluer son état et prendre les dispositions appropriées. Si Miette était déjà mort, quel intérêt de lui asséner des coups mortels ? Mais non, sans pouvoir expliquer celle-ci, pour Jullian Mercier, une troisième voie est possible : la sienne. La présidente le coupe, il n’y a pas de troisième possibilité. A moins de pénétrer dans la dimension fantastique, peuplée de créatures ni vivantes ni mortes. La sémantique et la mémoire paraissent lui poser problème. S’il ne se souvient pas avoir menacé et intimidé le témoin, il se souvient avoir présenté ses excuses à la famille de Miette. Hélas, celle-ci produit un message qu’elle a reçu, où le prévenu, loin de s’excuser, apporte un argumentaire sans appel quant au bien fondé de sa démarche envers son petit chien.
La famille de Miette et les avocats : unité et dignité
Monsieur De Sousa, qui porte un tee-shirt à l’effigie de Miette, est appelé à la barre. Il ne peut pas parler. Il est bouleversé. C’est son épouse, vêtue du chemisier qu’elle avait sur elle lorsqu’on lui a rendu son petit chien mort, qui prend la parole. Sa voix est douce, calme et posée. A travers elle, c’est le petit Miette qui pénètre dans la salle d’audience. Elle évoque les raisons du nom dont le Jack Russel a été baptisé. Il était un chiot de leur chienne, emportée par une leucémie, « un bout d’elle ». Ils l’ont gardé car il était le plus chétif. Elle évoque un petit animal tendre et joueur qui montait dans le lave-vaisselle lorsqu’on l’ouvrait –pitrerie de Jack Russel oblige.
On devine sans peine la courte vie de Miette, bercée de rires, de jeux et de caresses dans cette famille sans histoire. « Si Miette était décédé des suites de l’accident, je l’aurais accepté, dit-elle. Ce sont hélas des choses qui arrivent, un animal qui surgit sur la route sans qu’on puisse l’éviter. Mais là, je ne peux pas l’accepter. » Le reste de la famille non plus n’accepte pas. Les enfants et Monsieur sont suivis par un psychologue. Monsieur De Sousa, artisan à son compte, a été dans l’incapacité de travailler pendant huit jours. Leur fils, qui partageait ses nuits avec Miette, ne veut plus dormir dans sa chambre. Il y a un avant et un après cette tragédie.
C’est aussi ce que soulignent les avocats qui connaissent leur métier. Miette, bien que consacré « être sensible » par le droit français, n’a pourtant pas la personnalité juridique. Sa souffrance, sa terreur, ne se mesurent qu’à l’aune du préjudice subit par sa famille. Quatre structures de défense animale se sont portées partie civile : la Fondation Brigitte Bardot, la Fondation 30 millions d’Amis, la SPA de Paris et la Confédération Nationale de Défense de l’Animal. Chaque avocat plaide selon un axe précis : le comportement inquiétant de Jullian Mercier quant à l’avenir, notamment en ce qui concerne la naissance de son bébé, les animaux qu’il détient actuellement – en l’espèce un chat – les derniers instants indignes de Miette. Enfin, l’avocat de la SPA de Paris s’est demandé s’il oserait la comparaison devant le tribunal et il l’ose : quelle différence entre brutaliser un animal blessé à terre et faire subir le même sort à un humain ? Et d’ajouter que c’est parce qu’il existe des individus tels que Jullian Mercier que les structures de protection animale sont débordées et constamment en quête de moyens. Aucun effet de manche et aucune ostentation de la part des défenseurs de Miette assis sur le même banc et qui se concertent : clarté, sobriété et professionnalisme. A l’issue de l’audience, ils resteront un long moment avec les militants et la famille de Miette. C’est l’occasion de faire connaissance avec certains de ces professionnels du droit qui, dans l’ombre, œuvrent tout au long de l’année en faveur des plus vulnérables.
Incohérence, confusion et impulsivité contre bon sens, calme et dignité : voici ce qui ressort de cette audience ou planait l’ombre d’un petit chien blessé sur une chaussée, impuissant dans sa souffrance. Le Parquet relèvera un autre antagonisme: la froideur et l’absence d’empathie de Jullian Mercier, que ce soit envers Miette, le témoin qui a appelé les secours et la famille du petit chien, contre la sensibilité et les émotions qui ont parfois submergé celle-ci. A travers ce petit chien gisant sur la chaussée emmuré dans sa terreur et cet homme qui, tout en appelant les secours, ne parvenait pas à s’en approcher, quelle émotion – ou absence ce celle-ci – chez Jullian Mercier a armé son bras pour l’amener à assener des coups où le barbare l’a disputé à l’inepte ? Souhaitons-lui qu’il puisse répondre un jour à cette question.
Catherine Martin