Cinq longues années : c’est le temps qui aura été nécessaire au fisc pour mettre fin à la rétention illégale de TVA pratiquée par la société de Simon Casas, dans le cadre de la délégation de service public dont il bénéficie pour les arènes de Nîmes.
La confirmation par le Conseil d’État le 27 juillet 2016 de la non-inscription définitive de la corrida au patrimoine culturel immatériel français a anéanti les derniers espoirs infondés de Simon Casas de pouvoir conserver les 2 millions d’euros de TVA qu’il n’avait pas reversés au Trésor public depuis 2011.
Un naufrage financier
L’année 2016 a donc été synonyme d’un gros chèque de régularisation qui, forcément, débouche sur une situation financière catastrophique, pour ne pas dire apocalyptique. En effet, fin 2015, la société Simon Casas production pouvait s’enorgueillir d’une trésorerie affichant un solde positif de 1,6 million d’euros. De quoi faire pâlir de jalousie n’importe quel entrepreneur. Oui, sauf que ce niveau remarquable avait pu être atteint grâce au non-reversement de 2 millions d’euros de TVA précédemment évoqué.
Dès lors, lorsque la situation est régularisée, ce n’est plus la même chanson : il reste à la société de Simon Casas un peu plus de 3 000 euros sur deux comptes bancaires et 6 700 euros en caisse. Soit à peine 10 000 euros qui apparaissent terriblement ridicules en comparaison des 1,6 million affichés un an avant. Mais bon, comme le dit l’adage, le ridicule ne tue pas (contrairement aux sévices graves et actes de cruauté perpétrés dans les arènes) et après tout, il vaut toujours mieux un petit solde positif qu’un gouffre financier négatif. Hé bien justement, là est le problème : il existe un troisième compte bancaire ouvert auprès de la Société Marseillaise de Crédit qui présente un découvert de 149 000 €. La situation financière globale de la SAS Simon Casas production présente donc un solde négatif de 140 000 € au 31/12/2016.
Et pour régulariser sa situation auprès du fisc, vider ses comptes et obtenir un tel niveau de découvert n’a pas été suffisant : Simon Casas a dû bénéficier d’un apport de 180 000 € de la part de la SCP Zaragoza (une filiale espagnole) et d’un autre de 150 000 € d’une structure dénommée Magiva.
Ce qui se traduit par un état d’endettement colossal, atteignant les 3,4 millions d’euros.
Une reconversion en vue ?
Côté chiffre d’affaires, là non plus pas de bonnes nouvelles à attendre : une baisse globale de 6,5 % par rapport à l’année précédente (où une diminution de 20 % avait déjà été constatée). Mieux encore (ou pire, si l’on est aficionado) : la part du chiffre d’affaires concernant la corrida chute de 11 %.
Car ce qu’il faut retenir, c’est que si Simon Casas clame officiellement que la corrida se porte bien et qu’elle a de l’avenir (selon son rapport annuel de gestion, cette baisse trouve uniquement son origine dans les mesures d’état d’urgence imposées par l’État tout au long de l’année 2016), officieusement il en est tellement persuadé qu’il diversifie de plus en plus l’activité de sa société… au détriment de la partie corrida, notamment pour organiser des courses camarguaises (il nous expliquera au passage pourquoi les mêmes prétendues mesures d’état d’urgence se traduisent miraculeusement par une hausse de 711 % du chiffre d’affaires de ces courses). On ne peut cependant que lui reconnaître un soupçon de lucidité sur ce coup, lorsque l’on constate notamment le niveau de rémunération des toreros (1,7 million d’euros en 2015 et 1,4 million en 2016).
Merci qui ? Merci la SMC !
Il n’aura en tout cas pas fallu attendre longtemps pour que les fournisseurs de la SAS Simon Casas production prennent la mesure de la situation. Les retards de paiement les y ont très certainement aidés : l’endettement fournisseurs a bondi de 52 % en un an pour s’établir à presque 2 millions d’euros. Dès lors, beaucoup d’entre eux exigent qu’une partie de leurs prestations soient payées à l’avance, ce qui explique le million d’euros d’acomptes supplémentaire qui a dû être versé sur l’exercice 2016 pour la saison 2017.
La question finale qui se pose est on ne peut plus simple : comment la structure de Simon Casas fait-elle à ce jour pour ne pas être en cessation de paiement ? La réponse a été donnée précédemment : grâce à la Société Marseillaise de Crédit (SMC). Non contente d’avoir octroyé une autorisation de découvert abyssale, elle s’est également portée caution à hauteur de 922 000 euros sur les 2 millions de TVA non reversées au fisc.
Pourquoi cette banque a-t-elle pris un tel risque, le redressement étant inéluctable – ce qu’a probablement dû lui signifier son service juridique – et la faculté de remboursement du découvert improbable ?
Le petit monde de la tauromachie a décidément cette tradition financière sibylline qui lui colle à la peau…
David Joly
Trésorier No Corrida