RIA, dix ans de combat et de progrès contre la corrida


estefania-2Lors du 10e Sommet international contre la tauromachie organisé à Lima par le RIA du 25 au 28 novembre 2016, Estefania Pampin Zuidmeer (CAS International – RIA) a présenté en clôture du Sommet un bilan des dix ans écoulés depuis que le RIA a été créé (2007-2016). En voici le texte dans son intégralité. 

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Beaucoup de choses ont été accomplies pendant les dix ans d’existence du Réseau International Antitauromachie (RIA), non seulement en termes politiques avec l’interdiction de la tauromachie dans de nombreux Etats, départements et municipalités, mais aussi au niveau social.

Droits de l’enfance, droits de l’homme

Il y a 10 ans, l’argument le plus important dans notre lutte était la maltraitance des animaux. Nous avons ensuite ajouté d’autres perspectives importantes telles que l’impact de la violence sur les enfants et les droits des enfants. Cet aspect a pris de plus en plus de poids, tant politique que social.

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L’ONU, qui est la plus grande organisation internationale existante, a demandé à plusieurs pays de restreindre l’accès des arènes pour les mineurs afin de les protéger de leur violence. Le Comité des droits de l’enfant en a fait la demande au Portugal, au Mexique, à la Colombie, à la France et au Pérou. Les pays qui ont ratifié la convention des droits de l’enfance doivent appliquer les mesures adéquates. Les pays qui peuvent encore attendre une demande similaire de l’ONU sont l’Espagne, le Venezuela et l’Equateur, bien que l’Équateur ait récemment ratifié l’interdiction des moins de 16 ans à toutes sortes de divertissements impliquant des animaux.

Durant ces dix années, plusieurs États ou entités similaires ont interdit l’entrée des mineurs aux corridas, comme la Galice en Espagne, les États de Veracruz, Michoacan et Campeche au Mexique, et plusieurs États au Venezuela tels que Aragua, Tachira, Carabobo, Zulia, Guarico et Merida. De plus, de nombreuses municipalités dans plusieurs pays ont interdit la corrida ou l’accès aux mineurs des spectacles tauromachiques. Au Portugal, la participation des moins de 16 ans à toute pratique de la tauromachie est interdite.

Pendant ces dix ans, non seulement les droits des enfants ont été un argument important, mais aussi les droits de l’homme. Des études scientifiques ont montré la nocivité des corridas à cet égard, du fait qu’elles peuvent causer des traumatismes et avoir un impact négatif sur l’empathie. Les gens habitués à la violence contre les animaux ont tendance à prendre part à d’autres formes de violence.

ombudsmanLe médiateur du Venezuela, Tarek William Saab, a déclaré que la tauromachie viole les droits de l’homme, car elle peut causer des dommages psychologiques. C’est une violence qui affecte la société et qui conduit à encore plus de violence. Il s’agit là d’un argument très important dans des pays comme le Mexique et la Colombie, où la paix est plus que jamais nécessaire.

Et dans ces pays, non seulement nous, mais aussi les politiciens ont utilisé l’argument selon lequel la fin de la tauromachie est une étape incontournable dans tout processus de paix. A titre d’exemple, Gustavo Petro, lorsqu’il était maire de Bogota, a déclaré que la fin des corridas représenterait un pas important dans le processus de paix en montrant qu’il ne peut pas y avoir de droit de tuer.

Large soutien des populations des pays concernés

Pendant ces dix ans, nous avons réussi à obtenir un large soutien des populations des pays concernés que sont l’Espagne, le Pérou, l’Equateur, le Venezuela, la Colombie, le Mexique, le Portugal et la France. Dans tous ces pays, la majorité des citoyens est contre la corrida. Au Pérou, 78% souhaitent que la tauromachie soit interdite par la loi. Seulement 8% des Espagnols soutiennent les corridas alors que 60% s’y opposent. D’autres enquêtes montrent que 78% des Colombiens et 70% des Mexicains sont contre la corrida. Des chiffres comparables ont été observés en France.

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En outre, la fréquentation du public aux corridas a chuté. En une seule année, en Espagne, les corridas ont reculé de 8,3%. Entre 2007 et 2014 la participation aux corridas a chuté de 59%. En France, les corridas ont une fréquentation faible. L’arène la plus importante du Portugal, Campo Pequeno à Lisbonne, a perdu 50% des spectateurs depuis 2010. Le message est clair, les gens ne veulent plus des corridas et, dans presque tous les pays, chaque année, le nombre de corridas diminue.

Restrictions, prohibition, abolition

Pendant ces dix ans, nous avons enregistré plusieurs succès au niveau politique. Une percée qui a inspiré beaucoup d’organisations qui luttent pour la tauromachie a été l’interdiction de la corrida en Catalogne espagnole à partir du 1er Janvier 2012, avec un retentissement médiatique mondial. Et bien que, récemment, l’interdiction de la corrida en Catalogne a été annulée, cela ne signifie pas qu’il va y en avoir de nouveau, pour la simple raison que les Catalans ne veulent pas des corridas. Le gouvernement central espagnol a voulu imposer une pratique qui n’a plus le soutien ni des Espagnols ni du Parlement catalan. Le maire de Barcelone a promis de faire tout ce qui est en son pouvoir pour ne pas le permettre. L’interdiction en Catalogne a été atteinte grâce à une initiative législative populaire (ILP) qui a été initiée et dirigée par une plate-forme anticorrida. Cette réussite a inspiré de nombreuses organisations à présenter des initiatives législatives dans leur pays.

action-venezuelaDepuis 2012, la tauromachie est également interdite dans trois États au Mexique: Sonora, Guerrero et Coahuila. Et au Venezuela, c’est aussi techniquement le cas de trois États, Aragua, Carabobo et Trujillo.

En Aragua et Carabobo, ce n’est pas la corrida qui est interdite mais les mauvais traitements physiques et psychologiques des taureaux. Les jugements de ces cas sont actuellement en appel, mais sont applicables jusqu’à ce qu’une autre décision dise le contraire.

En Colombie, grâce au travail des animalistes, l’engagement de l’ancien maire de Bogota Gustavo Petro au sujet des animaux se reflète dans son plan de développement humain. Bogota est devenue une ville libérée des spectacles cruels avec des animaux. Cela a conduit à des négociations et des actions administratives avec les organisations tauromachiques pendant quatre temporadas. Le nouveau maire respecte le même engagement et continue de mettre en place des mécanismes pour qu’il ne soit plus possible de faire des corridas à Bogota.

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Plusieurs initiatives législatives populaires sont actuellement en cours aux îles Baléares, en Espagne et à Quito, capitale de l’Equateur, qui est sur le point de passer par le dernier débat ; il s’agit également de la première ILP menée en Equateur, ce qui en fait une étape historique.

Au niveau municipal, il existe environ 150 municipalités anti-tauromachie. En Espagne, depuis les dernières élections municipales en 2015, de nombreuses municipalités ont décidé d’interdire des événements tauromachiques, comme le toro de fuego à Valence ou les becerradas à Algemesi.

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Plusieurs événements tauromachiques controversés aux niveaux national et international ont été adaptés ou interdits. Par exemple, le Toro de la Vega à Tordesillas en Espagne. La communauté autonome de Castille-et-Leon a décidé d’interdire la mort de l’animal sur son territoire. Tordesillas n’a pas encore adapté ses règles à la nouvelle loi et ne sait toujours pas comment cet événement va s’adapter, mais cette année le Toro de la Vega a été empêché.

Un autre exemple est le bassin de Tlacotalpan au Mexique, où des taureaux sont contraints de nager à côté de bateaux, ce qui a provoqué une controverse internationale. Cette année, cela a été interdit, ainsi que d’autres festivités comme les vaquilladas et les pamplonadas dans l’État de Veracruz. De même, bien d’autres pratiques tauromachiques ont dû être adaptées sous la pression sociale de campagnes menées par les organisations anticorrida.

Recul des subventions

Une autre question importante sur laquelle le RIA a travaillé de façon intensive est celle des subventions reçues par le secteur de la tauromachie dans certains des pays concernés. Il peut s’agir de subventions municipales, régionales, nationales ou européennes.

Par exemple, en Colombie, le financement de corridas avec l’argent public n’est plus autorisé depuis 2011. En Espagne, après les élections municipales de 2015, de nombreuses municipalités ont décidé de mettre fin aux subventions pour la tauromachie, préférant dépenser l’argent public dans d’autres secteurs tels que l’éducation ou la santé publique. En outre, certaines écoles taurines ont perdu leur financement institutionnel, comme à Alicante et à Madrid.

Un autre pas important a été le vote du Parlement européen contre les subventions liées à la PAC, et dont bénéficie l’industrie de la tauromachie en Europe. Une large majorité s’est exprimée pour l’arrêt de ces subventions aux éleveurs de taureaux. Le budget européen alloue en moyenne 130 millions d’euros à ce type d’activité, alors que la corrida est illégale dans tous les Etats-membres sauf le Portugal, l’Espagne et le sud de la France. Il faudra cependant modifier la réglementation de la PAC pour que les votes de ce type puissent être suivis d’effet.

Patrimoine culturel

Pendant ces dix ans, le RIA a également travaillé dur sur la question de l’UNESCO et la possibilité que la tauromachie soit déclarée comme patrimoine culturel. L’UNESCO n’a pas enregistré la tauromachie en tant que patrimoine culturel, car cette activité implique la mort. En France, en 2011, il a été annoncé que la tauromachie était inscrite à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel. Heureusement, récemment, cette décision a été abrogée grâce à l’action de plusieurs organisations anticorrida auprès du tribunal administratif, qui a finalement déclaré que l’inscription était invalide.

Vétérinaires contre la corrida

Avant de terminer, je voudrais citer une autre avancée que je considère très importante : le travail que réalisent ensemble l’AVATMA et le COVAC. Il s’agit de vétérinaires anticorrida en Espagne et en France, qui cherchent à sensibiliser les vétérinaires sur la question de l’abolition de la tauromachie, alors qu’il existe des vétérinaires qui se spécialisent dans ce domaine et que leur présence est nécessaire dans les corridas.

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En 2016, l’AVATMA et le COVAC se sont réunis pour la première fois à Paris pour renforcer leur action commune. Au Portugal, une organisation de vétérinaires abolitionnistes, l’AVAT, a été créée en 2015.

Notre lutte est un combat pour la vie

La lutte anti-tauromachie est une lutte d’union, tant au niveau de la société que de la politique. Au cours de ces dix dernières années, elle est devenue de plus en plus forte, en grande partie grâce au RIA et à ses membres. La lutte contre la corrida n’est pas seulement une lutte pour les droits des taureaux.

Elle est également une lutte pour les droits des mineurs, les droits de l’homme, le droit à la non-violence, le droit à la vie. Elle est un combat pour des valeurs telles que l’empathie et la compassion. Une lutte pour construire une société civilisée où la violence contre tout animal est largement rejetée, interdite et punie.

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La lutte contre la tauromachie est avant tout un combat pour protéger les plus vulnérables : les mineurs, qui sont l’avenir pour la paix dans nos sociétés. Et les animaux. Ils ressentent, souffrent, ont une valeur intrinsèque, mais ne peuvent rien dire pour améliorer leur destin.

Nous sommes leur voix et nous continuerons à l’être jusqu’à l’abolition.

Estefania Pampín Zuidmeer
CAS international, RIA
Membre d’honneur de No Corrida
Adaptation en français : RL
Texte original en espagnol : 10 años de logros y avances de la Red International Anti-Tauromaquia