Corridas à Bayonne, 1 M€ de pertes cumulées de 2006 à 2014

Un rapport de la Cour de Comptes en 2014 a révélé que les corridas de Bayonne ont totalisé une perte de plus d’un million d’euros entre 2006 et 2012. Un désastre financier que la Mairie a tenté en vain de nier, prétendant que les médias mentaient sur ce sujet. La situation n’a fait que s’aggraver en 2014.

Le déficit cumulé 2006-2012 est de 1,1 millions d’euros

Un point important avant d’aller plus loin : à Bayonne, les corridas sont organisées par la municipalité en régie directe, c’est-à-dire sur le budget de la ville. Lorsqu’elles sont déficitaires, ce sont les habitants qui trinquent. Notons au passage que Bayonne a un endettement de 142% par rapport à la moyenne des villes françaises de même taille.

Comme le montre le tableau dressé par la Cour des Comptes, les résultats nets des temporadas sont de -75 979 € (2006), -247 255 € (2007), -209 440 € (2008), -100 964 € (2009), -138 120 € (2010), -415 427 € (2011) et +100 683 € (2012). Le total cumulé est d’environ 1,1 millions d’euros de pertes sur la période 2006-2012.

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Les raisons qui expliquent le résultat positif de 2012 sont principalement le fait que 9 corridas seulement ont été organisées cette année-là au lieu de 12 à 14 les années précédentes et que la ville a exigé des toreros qu’ils acceptent un salaire en baisse de 20% par rapport à leurs tarifs habituels (ce que plusieurs matadors célèbres ont refusé, préférant scier un peu plus le dernier bout de branche sur lequel ils se trouvent… ce dont nous les remercions).

Pour la temporada 2014, le conseil municipal a approuvé un budget prévisionnel de 218 000 euros pour l’achat des taureaux et de 560 000 euros pour les contrats avec les toreros (délibérations du 6 mars et du 5 juin 2014).

Les mensonges récurrents de la Mairie

Il est donc clairement établi que le maire et ses adjoints ont menti lorsqu’ils ont affirmé que seule l’année 2011 avait été déficitaire : elles l’ont toutes été de 2006 à 2011. Ils ont également menti en disant que globalement, sur les années précédentes, les comptes s’équilibraient : le résultat net cumulé sur 2006-2012 est un déficit de 1,1 millions d’euros.

Et ils ont encore menti en laissant croire que, grâce à 2013, la situation financière serait neutre : certes, 2012 a dégagé un excédent qui a fait passer le trou de -1,2 millions d’euros à -1,1 millions, mais on voit mal comment 2013 aurait pu combler les 1,1 millions restants. Au mieux, les pertes cumulées ne sont plus « que » de 900 000 euros sur la période 2006-2013.

Les résultats de 2014 n’ont pas fait le miracle de générer un profit astronomique à même d’effacer l’ardoise. Quoi qu’en prétendent le maire et ses adjoints qui pensent que tous ceux qui disent du mal de la corrida à Bayonne sont des menteurs, on apprenait en effet par l’organisateur des corridas biterroises Robert Margé dans le Midi Libre que les corridas des 9-10 août à Bayonne n’avaient attiré que 8000 spectateurs pour une contenance potentielle de 21 000 places sur deux jours, c’est-à-dire environ 40% de remplissage (les arènes ont 10 500 places). Un chiffre qui sera globalement confirmé fin 2014 par le conseil municipal.

Les largesses de la Mairie creusent encore plus le déficit

La Mairie s’est toujours montré généreuse pour tenter de remplir les gradins de ses arènes. En vain, puisque même comme cela, le taux de remplissage reste constant… et très bas. Le même rapport de la Cour des Comptes révèle des chiffres ahurissants.

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Jusqu’à 7735 invitations en 2007 et « seulement » 2917 en 2011 ! Pour 2012, la Mairie n’a pas souhaité communiquer les chiffres à la Cour des Comptes. Ils sont si embarrassants que ça ?

Faisons quand même un petit calcul tout simple grâce à ce tableau : le nombre d’entrées payantes par corrida.

  • 2006 : 4187 entrées par corrida en moyenne (39,9% de remplissage)
  • 2007 : 3857 (36,7%)
  • 2008 : 3614 (34,4%)
  • 2009 : 3906 (37,2%)
  • 2010 : 4117 (39,2%)
  • 2011 : 4232 (40,3%)
  • 2012 : 3720 (35,4%)
  • 2013 : chiffres non connus
  • 2014 : 4000 (40%) pour les corridas d’août

On le voit, ces tristement fameuses corridas de Bayonne n’intéressent plus qu’une poignée de gens, et depuis longtemps. Si ses gradins semblent parfois pleins pour tel ou tel torturador célèbre, il faut croire que le reste du temps, ils sont largement clairsemés puisque la moyenne de fréquentations n’évolue pas depuis des années, malgré le nombre impressionnant d’invitations distribuées à tour de bras pour cacher le désastre. Sans parler de la gratuité pour les enfants et adolescents de 0 à 15 ans.

En 2014, la situation n’a fait qu’empirer (pour les aficionados)

Une délibération du conseil municipal de Bayonne datée du 11 décembre 2014 apporte des informations très intéressantes sur les résultats officiels de la saison tauromachique 2014.

Passons sur les phrases triomphalistes qui feraient penser que cette saison a été un magnifique succès à tous les points de vue. Si on se contente d’analyser les chiffres donnés, on constate que la réalité objective est bien moins reluisante.

  • Il y a eu en tout 26 837 entrées payantes pour six « spectacles » (quatre corridas espagnoles, une corrida de rejon, une novillada), ce qui fait une moyenne de 4400 places par spectacle, donc exactement la même que la moyenne observée lors des huit années précédentes qui ont abouti à un déficit cumulé de plus d’un million d’euros. Autrement dit, le taux de remplissage moyen des arènes de Bayonne est resté autour de 40% d’occupation des gradins (qui comptent 10500 places). La pointe à 70% d’occupation pour le rejon est largement contrebalancée par le remplissage d’à peine plus de 20% pour la novillada. Les corridas classiques, elles, stagnent à un peu moins de 4400 spectateurs payants en moyenne. Trois autres spectacles sont mentionnés mais sans aucun chiffre, ce qui veut dire qu’ils se sont probablement tenus devant des gradins quasi-vides et que la moyenne globale tomberait autour de 3000 places par spectacle.
  • Le résultat financier est annoncé comme positif de 25 K€ : 1,174 M€ de recettes pour 1,149 M€ de dépenses. Sauf que, dans les recettes, la billetterie représente seulement 1,110 M€, le reste étant apporté par des « produits d’exploitation » dont on ne sait rien. Ceci veut dire que le résultat dû aux seules corridas est négatif (-39 K€). De plus, aucune information n’est donnée sur la TVA. Si elle a été « omise » des chiffres globaux indiqués, cela creuse la perte de 196 K€ de plus. Espérons à  ce sujet qu’elle a bien été comptée à 20% et pas au taux réduit comme le font les autres places taurines telles que Nîmes, Arles et Béziers, sinon un redressement fiscal s’ajoutera au tableau. Sans parler de la subvention cachée qui consiste à mettre les arènes à disposition gratuitement (elles appartiennent à la ville mais leur utilisation n’en garde pas moins une valeur comptable). Quoi qu’il en soit, la perte cumulée depuis 2006 reste quasi inchangée, toujours autour d’un million d’euros. Elle ne prend pas le chemin d’être comblée.
  • Entre 2006 et 2012, il y avait 12 à 14 corridas par an. En 2014, il y en a eu moins avec le même taux d’occupation pour les plus suivies, et en tout deux fois moins de spectateurs qu’en 2011.

En résumé, les corridas à Bayonne attirent année après année de moins en moins de monde pour un résultat financier qui reste très largement négatif depuis 2006. Aux frais des contribuables bayonnais, bien entendu.

Les fêtes de Bayonne : 1 million de personnes, dont 96% ne vont pas aux corridas

On l’a souvent souligné : il ne faut pas confondre férias et corridas, comme se plaisent à le faire les aficionados pour tenter de faire croire que le succès des premières repose sur celui des secondes et qu’il est donc primordial de ne pas supprimer les corridas, sinon les férias s’écrouleraient. Un mensonge grossier de plus, bien entendu.

Les férias de Bayonne sont entièrement financées par la ville. Ce sont les commerçants qui en touchent les bénéfices et c’est très bien – le but de subventions utilisées de façon saine, c’est de dynamiser l’économie locale.

En revanche, les corridas constituent non seulement une charge importante sur le budget de Bayonne mais elles n’ont aucune justification économique ou touristique puisqu’elles n’intéressent que 3 à 4% de la foule qui vient aux férias (en supposant que chaque spectateur n’assiste qu’à une seule corrida, ce qui est peu probable).

Bayonne est ainsi dans une situation identique à celle des autres grandes villes taurines : pour un million de fêtards, seuls quelques milliers sont là pour voir des taureaux agoniser, pendant que 96% des gens ne mettent jamais les pieds dans les arènes. Même gratuitement.

Il est plus que temps d’en finir avec ces spectacles sanglants et morbides importés d’Espagne. Leur survivance répugnante ne repose que sur des leurres, des tromperies, des mensonges.

Roger Lahana