Séverine, la féministe anticorrida célébrée à Nîmes

Le 23 avril 1934 s’est tenue  une séance du Conseil municipal de Nîmes. Parmi les points à l’ordre du jour se trouvait la délibération sur l’attribution de noms de rues et de places proposée par une commission.

severineIl était proposé qu’un rond-point situé au sud des allées Jean Jaurès fût désormais nommé la place Séverine.

De son vrai nom Caroline Rémy, elle était une célèbre féministe et écrivain de gauche (1855-1929) qui, entre autres, lutta pour le droit de vote aux femmes, fut la première femme à diriger un grand quotidien (le Cri du Peuple) et participa à la défense du capitaine Dreyfus. Le peintre Renoir lui consacra l’un de ses plus célèbres tableaux.

Deux élus de l’opposition de droite s’élevèrent contre cette proposition, faisant remarquer que Séverine avait des convictions profondément anti-corrida. L’un proposa ironiquement que son nom soit plutôt donné à la place des Arènes en déclarant que « Séverine régnant, il n’y aurait plus de corridas de toros ». Le second s’indigna que le Conseil municipal pût ainsi « consacrer l’adversaire acharné de nos libertés ».

Ce qui rend cette scène totalement surréaliste, c’est qu’elle s’est passée alors que la corrida était illégale partout en France… ce qui ne l’empêchait pas d’être pratiquée à Nîmes et dans bien d’autres villes à l’époque. Est-il utile de rappeler qu’un élu est supposé respecter la loi ? Cela ne semblait pas poser problème à ceux-là, en bons aficionados qui nient l’existence même de tout ce qui le dérange, me direz-vous (les exemples abondent). Quoi qu’il en soit, leurs arguments ne furent pas retenus.

Et c’est ainsi qu’à Nîmes, ville emblématique de la tauromachie française, une place très connue porte le nom d’une anti-corrida, ce que la plupart des barbares des arènes ignorent.

Roger Lahana